À l’issue d’un incroyable imbroglio politico-médiatique, la présidente du Front national a refusé de participer à l’émission politique de France 2 Des paroles et des actes. Retour sur la polémique en trois actes.
Et la polémique s’échoua sur un communiqué envoyé trois heures avant le lancement du générique de Des paroles et des actes, l’émission politique phare du service public. En quelques mots la présidente du Front national actuellement en campagne pour la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, a «planté» David Pujadas. En tête du communiqué, en gras, ces quelques mots: «Monsieur Pujadas, on ne m’impose rien». Le rendez-vous de France 2 qui permet aux ténors de se révéler pendant plus de deux heures devant plusieurs millions de téléspectateurs? «Une mascarade», écrit l’ex-candidate à l’élection présidentielle. L’issue spectaculaire d’une controverse de plusieurs jours.
» ACTE I
Tout commença il y a exactement une semaine. Xavier Bertrand, rival de Marine Le Pen pour les élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, communique à la presse une lettre envoyée à Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, tutelle de France Télévisions. Le patron du CSA et la PDG du groupe audiovisuel public sont mis en copie. Il y dénonce le manque «d’équité» que représente à ses yeux l’invitation de la présidente du FN. Quelques jours après, c’est Pierre de Saintignon, le candidat socialiste aux régionales qui fait la même démarche. Les deux estiment que l’audience offerte à Marine Le Pen à un mois et demi des régionales est de nature à favoriser le FN en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Mais la controverse reste mineure, même si tous soulignent qu’il s’agit là de la cinquième invitation de Marine Le Pen à “Des paroles et des actes” depuis la création de l’émission. Un record personnel bien que dans son ensemble, le Front national est sous-représenté en audience cumulée. Pour calmer le jeu, France 3 annule l’invitation de Marine Le Pen à son journal télévisé dominical.
» ACTE II
Il aura ensuite fallu attendre mercredi, veille de l’émission, pour que la polémique prenne une envergure plus importante. A 13 heures, le patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, envoie une lettre à Nicolas Sarkozy dans laquelle il propose une initiative commune à destination du CSA pour contester l’invitation de Marine Le Pen. L’ex-président de la République s’entretiendra par téléphone avec le patron des socialistes quelques heures plus tard pour lui confier qu’il «partage la même analyse». Frédéric Péchenard, le directeur général des Républicains, envoie à son tour une lettre à Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions. Florian Philippot raille alors la «belle preuve d’unité UMPS» et s’amuse de la «belle audience assurée» à Marine Le Pen.
» ACTE III
Jeudi matin, France Télévisions prend en compte des remarques du CSA qui invite la chaîne à offrir une «expression contradictoire aux concurrents» de la chef du FN: Xavier Bertrand et Pierre de Saintignon sont alors invités à participer à l’émission. Marine Le Pen refuse ces changements. Des discussions chaotiques se tiennent avec la production, aussitôt retranscrites sur le compte Twitter de l’eurodéputée, narquoise: «France 2 persiste à m’imposer six débats de suite dont le dernier, régional, de 40 minutes. Ils me prennent pour leur chien?» David Pujadas accorde à une interview au site internet d’information de France Télévisions pour confirmer que ses conditions ne sont pas négociables. Marine Le Pen se moque dans un communiqué: «Je n’ai accepté au départ de participer à cette émission qu’à la grande insistance de David Pujadas, lequel a passé plus d’une heure dans mon bureau à cette seule fin». Face à une situation bloquée et une défiance inédite, la frontiste annule. Elle dénonce «l’arrogance inouïe, la «méthode cavalière et méprisante» de David Pujadas. «Il a cru pouvoir, pour la deuxième fois, me mettre devant le fait accompli», s’étrangle l’élue qui se dit prête à débattre sur d’autres plateaux.