Au Sénégal, la campagne pour le référendum du 20 mars, scrutin qui doit valider ou pas le projet de révision constitutionnel proposé par le président Macky Sall est bel et bien lancée. Deux camps s’opposent, le camp présidentiel qui appelle à voter «oui» et le camp du «non», représenté notamment par le «Front du non» qui fait feu de tout bois pour sa campagne.
Le «Front du non», tout juste créé, accuse le chef de l’Etat de ne pas respecter sa promesse de réduire son mandat en cours de 7 à 5 ans et de se donner la possibilité de faire trois mandat d’affilé en cas de réélection. En somme de réécrire la constitution pour son propre compte. « Ça c’est une vieille rengaine qu’on entend tout le temps, réagit Seydou Gaye, porte parole du gouvernement et de l’APR, le parti présidentiel. Ce n’est pas la Constitution du président Macky Sall. Le président fait l’option de la consolidation des acquis. Il n’y a pas d’hypertrophie de la fonction présidentielle puisque si vous analysez les quinze propositions, toutes les institutions ont été consolidées et renforcées, sauf le président de la République ». Le président Macky Sall entend laisser en héritage « un système institutionnel puissant, solide » poursuit Seydou Gaye. « Nous sommes à quelques encablures de faire du Sénégal une démocratie modèle. Et de ce point de vue, je pense qu’il faudrait qu’en toute conscience, les uns et les autres apprécient les propositions, loin de toute stratégie d’intoxication ou de faux procès, mais en tout cas pour considérer que tout ce qui se fait, se fera à l’avantage du Sénégal et non à l’avantage de X, Y ou Z ».
« Faire son ‘wax wakhet’ »
Une expression en wolof et un chant traditionnel pimentent le débat politique. Tagué sur les murs, refrain de l’hymne du « Front du non » au référendum, l’expression « Faire son wax wakhet » est redevenue à la mode. Lancée à l’origine par Abdoulaye Wade qui n’avait pas respecté sa promesse de ne pas se présenter une troisième fois à la présidentielle, l’expression a évolué ces derniers jours depuis l’annonce de Macky Sall de ne pas réduire son mandat en cours suite à la décision du Conseil constitutionnel. « Je l’ai dit, je l’ai redit, je l’ai répété mais je me dédis ».
« Quand on donne sa parole, c’est terminé ! Si la tradition connaît le ‘wax’, la parole, on ignore fondamentalement le dédit parce que la tradition ignore le ‘wakhet’ » explique Lamane Baye, professeur de lettres, qui insiste sur le rôle fondamental de la parole donnée dans la tradition sénégalaise.
Niani Bana
Autre rappel à la tradition, le « Front du non » au référendum s’appelle Niani Bana. Niani Bana, c’est un ancien chant traditionnel qui raconte le refus d’un village d’accorder l’hospitalité à un grand chef, Lat Dior. Un chant devenu hymne de la jeunesse du temps de Léopold Sédar Senghor. Un chant repris aujourd’hui par ceux qui veulent s’opposer à Macky Sall. « Dans l’inconscient des jeunes aujourd’hui, Niani Bana, c’est le chant de l’honneur. La primauté de la parole est au-dessus de la constitution » explique le conteur Massemba Gueye.
L’expression Wax Wakhet et la chanson Niani Bana vont donc continuer à résonner jusqu’au référendum du 20 mars.