Lors d’une audience ce vendredi, la justice britannique a fixé à la fin février 2020 l’examen de la demande d’extradition américaine.
Face à la demande d’extradition émise à son encontre par les Etats-Unis, Julian Assange a désormais huit mois pour fourbir sa défense. Ce vendredi, un juge du tribunal londonien de Westminster a fixé la période de l’audience, qui devrait durer cinq jours, à la fin février 2020 ; «probablement à partir du 24», a précisé un porte-parole du parquet. Entre-temps, aura lieu fin octobre une audience de procédure, qui décidera notamment quel tribunal sera chargé d’examiner la demande américaine, et de trancher le devenir du chef de file de WikiLeaks.
«175 ans de ma vie sont en jeu»
Depuis sa spectaculaire arrestation le 11 avril dans l’ambassade d’Equateur à Londres, où il vivait reclus depuis près de sept ans, l’Australien est incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, au sud-est de la capitale britannique. Il y purge une peine de cinquante semaines de détention pour avoir enfreint sa liberté conditionnelle en se réfugiant dans l’ambassade en juin 2012, un verdict dont il a fait appel. Il est actuellement en unité de soins, a expliqué à l’AFP son avocate, Jennifer Robinson. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, qui lui a rendu visite début mai, jugeait il y a quinze jours qu’Assange présente «les symptômes d’une exposition prolongée à la torture psychologique», en raison de «l’environnement hostile auquel il a été exposé pendant plusieurs années».
C’est depuis Belmarsh que le fondateur de WikiLeaks s’est exprimé ce vendredi en liaison vidéo : «175 ans [le cumul des peines encourues] de ma vie sont en jeu», a-t-il déclaré, dénonçant la nature des poursuites dont il fait l’objet pour la publication, en 2010, des documents secrets de l’armée américaine sur les guerres d’Afghanistan et d’Irak (les «War Logs») et des télégrammes diplomatiques américains transmis par Chelsea Manning. WikiLeaks n’est «rien d’autre qu’un éditeur», a fait valoir Assange.
Volet suédois encore flou
D’abord accusé par les Etats-Unis d’«association de malfaiteurs en vue de commettre une intrusion informatique», il lui est reproché d’avoir accepté d’aider Manning à «craquer» un mot de passe. Assange a affirmé ce vendredi qu’il n’avait «rien piraté».
Depuis le 24 mai, il est également sous le coup de dix-sept autres chefs d’inculpation. Tous relèvent de l’Espionage Act, la loi américaine sur l’espionnage, utilisée à plusieurs reprises ces dernières années contre des lanceurs d’alerte, notamment Chelsea Manning et l’ancien consultant de la NSA Edward Snowden. L’usage de ce texte à l’encontre d’un média ayant publié des documents confidentiels est, lui, inédit, et a été dénoncé par de nombreuses organisations de défense des libertés civiles.
Ce vendredi, le représentant du département américain de la Justice a affirmé qu’«en publiant des documents non expurgés, M. Assange a créé un risque grave et imminent» pour «de nombreuses sources» du renseignement américain. De son côté, l’actuel rédacteur en chef de WikiLeaks, l’Islandais Kristinn Hrafnsson, juge que l’affaire «constitue un moment décisif pour la préservation du journalisme».
Quant au volet suédois de la saga judiciaire de l’Australien, il est encore flou. Début mai, le parquet a rouvert l’enquête le visant suite à une accusation de viol en 2010 et classée il y a deux ans. Mais la semaine dernière, un tribunal d’Uppsala a refusé la demande de placement en détention par défaut de l’Australien, qui aurait permis l’émission d’un nouveau mandat d’arrêt à son encontre. La justice britannique n’aura peut-être pas à choisir qui, de Washington ou de Stockholm, aura la priorité.