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Barack Obama, visite de grand frère au Kenya

Le président américain a achevé dimanche sa visite dans le pays de son père, appelant dans un discours à la limite du paternalisme à «changer les mentalités» en matière de corruption ou d’éducation des femmes.

Barack Obama, Uhuru Kenyatta
Barack Obama avec le président kényan, Uhuru Kenyatta, le 25 juillet. (Photo Thomas Mukoya.REUTERS)

 

La journée avait commencé plutôt normalement pour Justin. Comme tous les matins, le réveil de son dortoir a sonné à 6 h 30. A 7 heures, il se dirigeait vers le réfectoire avec ses camarades du pensionnat, quand son professeur est venu le voir : «Va te préparer, on va voir Obama». Le jeune lycéen de 18 ans faisait partie des 5 000 Kényans sélectionnés pour assister au discours du président américain. Trois heures plus tard, il suit ses copains de classe, en ligne serrée, dans leur uniforme vert amande. «C’est fantastique, confie Justin en montant les marches du stade de Nairobi. Heureusement que je ne l’ai pas su avant, sinon je n’aurais pas dormi. S’il y a des questions au public, je lui demanderai une bourse pour aller étudier aux Etats-Unis !» Il n’y a pas eu de questions évidemment. Ni même de bain de foule dans les rues : pour des raisons de sécurité, l’homme le plus protégé du monde a prononcé son discours dans un immense gymnase fermé, le Indoor SafariCom Stadium. Barack Obama, le «fils de la nation» comme on l’appelle ici, s’est adressé au peuple kényan comme un grand frère, au dernier jour de son voyage dans le pays de son père.

«Très fier d’être le premier président kényan des Etats-Unis»

C’est sa soeur, d’ailleurs, qui l’a accueilli sur le podium, au centre de l’arène, rappelant les vieux souvenirs : «Je suis particulièrement émue aujourd’hui. Ce mec, je suis allée le chercher il y a vingt-sept ans dans le même aéroport où je l’ai retrouvé vendredi soir. A l’époque, je l’ai ramené chez moi en Coccinelle Volkswagen, s’amuse-t-elle. Et franchement, il me l’a bien rendu… pour son quatrième voyage, on est reparti de l’aéroport en limousine !»

Passer de la beetle à la limousine, le succès personnel, l’ambition d’aller plus loin. Ce fut le fil rouge de ce discours. C’est sans doute ce qui fascine le plus la jeunesse kényane dans ce modèle que représente Barack Obama. Son grand-père était cuisinier pour les «Anglais», pendant la colonisation. Son père a travaillé dur pour décrocher une bourse pour l’université américaine d’Harvard, où il a rencontré sa mère. Il est mort en 1982 et Barack Obama ne l’a quasiment pas connu. «Je vous avais promis que je viendrais, et en tant qu’homme politique, il est important de tenir ses promesses. Je suis heureux d’être le premier président américain à fouler le sol kényan, a-t-il lancé en guise d’introduction. Et je suis très fier d’être le premier président kényan des Etats-Unis !»

La foule l’acclame, elle est déjà conquise. La politique américaine vis-à-vis de l’Afrique est claire : plus de misérabilisme. «L’Afrique est en marche», un slogan répété pendant tout ce Sommet mondial pour l’entrepreunariat. «Aujourd’hui, un jeune Kényan, s’il a de l’ambition et la volonté de s’en sortir, n’aura pas besoin de suivre les pas de mon grand-père et de servir les maîtres blancs, a asséné le “grand frère”. Il n’aura pas à faire comme mon père, partir à l’étranger pour avoir une bonne éducation. Ce pays est prospère, vous pouvez désormais construire votre futur ici, et maintenant.»

«La corruption gangrène ce pays depuis trop longtemps»

Pourtant la marche est encore longue. Attendu sur les questions de corruption – le Kenya fait parti des pays les plus corrompus au monde selon le classement de Transparency International – Obama n’a pas mâché ses mots : «La corruption gangrène ce pays depuis trop longtemps. Il faut changer les mentalités, du plus petit citoyen, jusqu’aux dirigeants.» Il a également regretté le «tribalisme» qui divise ce pays d’Afrique de l’Est et a longuement encouragé l’éducation des femmes. «Considérer les femmes comme des citoyens de seconde zone est une mauvaise tradition. Ce serait comme faire jouer la moitié d’une équipe de football. On ne peut jamais gagner, c’est stupide.» a-t-il précisé.

Seul Obama pouvait se permettre d’avoir un discours frôlant parfois le paternalisme, ou la leçon de démocratie. Après avoir indirectement attaqué le gouvernement de Uhuru Kenyatta sur les questions de corruption ou des divisions ethniques (le vice-président Ruto est toujours poursuivi par la Cour pénale internationale pour Crimes contre l’humanité pour sa participation aux violences post-électorale de 2007 qui ont fait plus de 1 500 morts), le président américain a dû également lui rendre ses honneurs : « Nous sommes reconnaissants aux Kényans de se sacrifier et d’aller en première ligne pour lutter contre le terrorisme». En effet, l’armée kényane, formée et appuyée par Washington, se bat depuis 2011 au sein de l’AMISOM (Africain Union Mission in Somalia), contre le groupe islamiste des shebab somaliens. Cette visite au Kenya n’était pas seulement un pèlerinage familial pour Barack Obama : le pays d’Afrique de l’Est est une puissance stratégique, qui vit désormais sous la menace d’un terrorisme rampant. Et ce n’est pas seulement un frère ou un fils que le Kenya a accueilli ce week-end. C’est avant tout un partenaire économique et militaire incontournable.

Sophie BOUILLON Envoyée spéciale à Nairobi

Source: liberation.fr

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