Le président Donald Trump a nommé lundi le magistrat Brett Kavanaugh à la Cour suprême des Etats-Unis, ancrant ainsi dans le conservatisme l’institution qui tranche les grands débats de la société américaine.
Ce soir j’ai l’honneur et le privilège d’annoncer que je nomme à la Cour suprême des Etats-Unis Brett Kavanaugh, un juge aux références impeccables, a déclaré M. Trump au terme d’un suspense savamment orchestré par la Maison Blanche.
C’est un juriste brillant aux écrits clairs et ciselés, considéré partout comme l’un des esprits juridiques les plus fins et les plus vifs de notre époque, a ajouté le président, qui s’est exprimé à 21H00, heure de grande écoute pour les chaînes télévisées.
L’annonce de M. Trump était très attendue par sa base électorale, qui sait combien un juge de la Cour suprême, désigné à vie, offre une garantie sur le long terme. Cette occasion rare a découlé du départ à la retraite inattendu du juge Anthony Kennedy, 81 ans, l’un des neuf sages de la haute cour.
Actuellement juge à la cour d’appel de Washington, Brett Kavanaugh, 53 ans, a été conseiller juridique de l’ancien président républicain George W. Bush. L’heureux élu s’est dit profondément honoré d’avoir été choisi.
Un juge doit être indépendant et doit interpréter la loi, et non pas faire la loi, a-t-il assuré lors d’une courte allocution, en présence de M. Trump et devant ses parents, à qui il a rendu hommage.
Début 2017 le président américain avait déjà eu l’occasion de promouvoir à la haute instance un juge conservateur, Neil Gorsuch. Avec Brett Kavanaugh, la juridiction chargée de veiller à la constitutionnalité des lois comptera une solide majorité de cinq membres conservateurs, contre quatre progressistes.
Ce rapport de force devrait permettre de sabrer les velléités locales de réglementer les armes à feu, donner des gages aux chrétiens conservateurs, conforter les partisans de la peine de mort, appuyer les lobbys patronaux et s’opposer à un plafonnement des financements électoraux.
Brett Kavanaugh a été choisi au terme d’une sélection ayant permis à l’issue du week-end de resserrer la liste de candidats à quatre magistrats, tous très conservateurs: celle-ci comptait Amy Coney Barrett, une juge aux valeurs religieuses traditionalistes; Raymond Kethledge, un défenseur d’une interprétation littérale de la Constitution; et Thomas Hardiman, un farouche partisan du port d’arme.
Militantisme judiciaire
Le juge Kavanaugh doit désormais être confirmé par un vote du Sénat. M. Trump veut agir vite et profiter de la courte majorité républicaine à la chambre haute du Congrès, avant les élections risquées de mi-mandat en novembre.
Les juges de la Cour suprême siégeant souvent des décennies, l’enjeu est énorme.
Le juge Kennedy, 81 ans, a joué un rôle pivot: conservateur sur des sujets comme les armes à feu ou le financement électoral, il a été plus progressiste sur des thèmes comme l’avortement, la discrimination positive ou le mariage homosexuel.
Son départ était vivement redouté par les démocrates, qui craignent par ailleurs une défaillance de la doyenne de la Cour, la magistrate progressiste Ruth Bader Ginsburg, qui siège encore à 85 ans.
Décalage à droite
Sans Kennedy et avec Kavanaugh, beaucoup considèrent désormais qu’un réel danger plane sur divers acquis sociaux, comme le droit à l’avortement, qui remonte à un arrêt historique de la Cour suprême, Roe v. Wade, en 1973.
Cette nomination peut mettre en danger le droit à l’IVG, qui a bénéficié depuis plus de quatre décennies à des millions de femmes et de familles, a réagi lundi l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).
Exaspérés que Donald Trump ait ainsi l’occasion de marquer durablement de son empreinte la Cour suprême, l’opposition démocrate entend se mobiliser lors du vote de confirmation de M. Kavanaugh un processus que Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat, veut boucler à l’automne.
Quelques élus républicains modérés ont aussi prévenu qu’ils n’endosseraient pas automatiquement le juge Kavanaugh. Je compte vérifier de très près et avec soin le candidat nommé par le président, a promis la sénatrice républicaine Susan Collins.