Non, Homo sapiens n’est pas apparu en douce dans un recoin de l’Afrique. Il est l’aboutissement de 200 000 ans de métissage sur tout le continent.
Où donc notre espèce géniale – qui, entre nous soit dit, serait en train de tuer la planète – est-elle donc née ? Dans quel recoin obscur de l’Afrique ? Plus la peine de chercher. L’homme dans toute sa splendeur n’est né ni au Kenya ni en Éthiopie, et encore moins au Soudan. Cette fois-ci, nous en sommes quasiment certains, l’homme est né d’un gigantesque brassage ayant impliqué de très nombreuses populations africaines entre – 500 000 ans et – 300 000 ans.
C’est fini, cette vision « généalogique » d’espèces descendantes les unes des autres à la queue leu leu. C’était bon à une époque où les paléoanthropologues n’avaient encore ramassé qu’une poignée de fossiles qu’ils classaient les uns par rapport aux autres par commodité. Imaginez plutôt un énorme buisson foisonnant dont chaque brindille constitue un rameau humain.
Prenons l’histoire de l’humanité, il y a 500 000 ans. Elle se divise en multiples ramures qui coexistent, se mélangent ou s’ignorent. L’un de ces petits rameaux choisit de prendre la poudre d’escampette d’Afrique, le continent étant devenu trop peuplé. Ils deviendront les Néandertaliens et les Denisoviens. Leurs camarades restés au pays continuent à cousiner ou à se faire la guerre durant deux cents millénaires, au gré des changements climatiques qui les isolent ou les rassemblent. Lors de périodes d’isolement qui peut durer des millénaires, les différentes populations développent des capacités physiques et culturelles nouvelles. Lesquelles finissent par alimenter le pot commun.
La théorie du « buisson ardent »
Bref, après 200 000 ans de ce brassage continuel, l’homme moderne a pointé le bout du nez. Le plus ancien fossile connu, datant de 300 000 ans, a été découvert au Maroc par le Français Jean-Jacques Hublin (Max Planck Institut). La confirmation de cette théorie du buisson « ardent » vient d’être apportée par une étude mêlant génétique, culture technologique et changements climatiques, publiée dans la revue Nature Ecology and Evolution. Elle est signée par Eleanor Scerri (Max Planck Institut) et Lounès Schiki (CNRS/université de Toulouse et Gulbenkian Institute of Science, Lisbonne)
Nous assistons donc là à un enterrement de première classe d’une autre théorie imaginant la naissance de l’homme moderne, non pas dans la seule Afrique, mais également hors d’Afrique ! C’est ce que les paléoanthropologues appellent l’hypothèse multirégionale. Selon eux, une espèce d’Homo serait apparue voilà 2,5 millions d’années sur le continent avant de s’éparpiller dans le monde entier (sauf en Amérique). Ces populations auraient alors convergé, chacune dans son coin, vers Homo sapiens. D’où l’existence de plusieurs berceaux de l’humanité, mais toujours reliés entre eux par le nomadisme afin de perpétuer une seule espèce humaine. Une hypothèse qui pourrait également expliquer les différents traits physiques.
Eh bien, non ! Nous sommes tous sortis d’Afrique voilà quelque 100 000 ans. Le Mongol comme le Français, le Scandinave comme le Tunisien.