Si cette solution représente l’espoir pour les champions du continent, les pays les plus pauvres affichent des craintes.
Niamey, la capitale du Niger en Afrique de l’Ouest, sera le théâtre d’un événement dimanche 7 juillet : la création d’un marché global africain, sur le modèle de l’Union Européenne. Cette nouvelle institution africaine s’appellera par son sigle, CFTA en anglais, ZLECAF en français.
Un marché d’1,2 milliards de consommateurs
Sur le papier, cette information peut sembler institutionnelle et abstraite. Mais c’est peut-être un événement majeur, qui à terme peut modifier toute l’économie du continent africain, et même toute l’économie mondiale. Il s’agit en fait de créer la plus grande zone de libre-échange au monde. Elle compte 1,2 milliards de consommateurs. D’ici 30 ans, il sera de 2,5 milliards.
Dans leur quasi-totalité (52 sur 55), les pays d’Afrique ont annoncé leur intention de monter à bord du projet. Le symbole politique est fort. Il est notamment porté par le Premier ministre du Rwanda Paul Kagame. Il y a une volonté d’exprimer l’autonomie du continent, la capacité de l’Afrique à s’organiser par elle-même. Et il y a surtout un projet commercial très ambitieux, car il s’agit vraiment de libre-échange. L’objectif, c’est la suppression, dans les 12 ans à venir, de toute barrière douanière entre tous les pays, sur 90% des biens et aussi des services.
L’espoir de champions africains
Toute la question est de savoir si ça sera efficace économiquement. Et ça fait débat. Les partisans de cette intégration commerciale promettent monts et merveilles. Ils imaginent déjà des gains en milliards de dollars, une poussée de la croissance, un développement de l’industrie (l’Afrique est très faible sur ce point), et l’apparition de grandes entreprises sur le continent. Aujourd’hui, aucune société africaine ne figure parmi les 500 plus grandes entreprises mondiales. Un milliardaire nigérian est d’ailleurs très actif pour promouvoir ce projet : créer des champions africains.
Le plus plausible, c’est au moins un essor des échanges entre pays d’Afrique. Aujourd’hui, ils sont très faibles, seulement 17% du total des exportations des pays africains. En Europe, pour donner un point de comparaison, c’est 4 fois plus et 70% des échanges se font entre pays européens. Pour les produits agricoles notamment, le sucre, le lait, les fruits, les légumes, une levée des barrières douanières entre pays africains peut avoir un impact positif.
La crainte des pays les plus pauvres
Ça c’est la version optimiste, mais il y a aussi la version pessimiste. D’abord, on peut observer que le libre-échange n’est pas précisément dans l’air du temps. Les géants chinois et américains sont plutôt en mode protectionnisme. Mais surtout le risque c’est que ce grand marché profite uniquement, d’une part aux multinationales étrangères implantées sur le continent, d’autre part aux pays les plus forts (le Nigeria, l’Ethiopie, l’Afrique du Sud) ou à ceux qui diversifient leur économie (le Maroc, le Rwanda, le Sénégal).
A l’inverse, les pays les plus pauvres et les plus dépendants d’une mono-culture, d’une seule activité, pourraient s’enfoncer encore plus. On pense au Malawi, au Soudan du Sud, à Madagascar. Ce projet ne fonctionnera donc pas tout seul : il faut qu’il s’accompagne d’un développement des banques et de l’accès au crédit. Il y aussi la lutte contre la corruption qui est un défi majeur dans plusieurs pays africains.