Après une phase d’enrichissement collectif, on passerait à une phase d’appauvrissement général.
A la base de la mondialisation se trouve une erreur. Plus précisément une erreur grossière des économistes: penser que le bien-être se mesure à l’aune du pouvoir d’achat.
Commençons par un petit rappel de la théorie économique qui a servi de cadre à la mondialisation. C’est celle des avantages comparatifs, introduite par l’économiste britannique David Ricardo (1772-1823) et peaufinée au fil du temps: les pays gagnent à s’ouvrir au libre-échange et à se spécialiser dans les activités gourmandes des facteurs de production (travail qualifié, travail peu qualifié, capital…) dont ils disposent en grandes quantités relatives. Un pays développé qui aurait proportionnellement beaucoup de travailleurs qualifiés devrait, selon la théorie, se spécialiser dans des activités de production de biens et services qui réclament beaucoup de travail qualifié afin de les exporter. Ces exports permettraient de financer des importations de biens et services riches en travail peu qualifié en provenance de pays en développement.
L’intérêt de l’ouverture est une production augmentée et une baisse des prix relatifs (aux salaires) dans tous les pays participant aux échanges. Et donc des gains de pouvoir d’achat pour tous. L’inconvénient est qu’un tel système entraîne un enrichissement à plusieurs vitesses pour les individus d’un même pays selon qu’ils disposent ou non du facteur de production fortement demandé. Dans les pays développés, les gagnants sont les travailleurs qualifiés. Et les perdants, en termes relatifs, les travailleurs peu qualifiés. La contrepartie attendue par les théoriciens du libre-échange des gains de pouvoir d’achat partagés est donc un creusement des inégalités de revenus et de pouvoir d’achat dans les pays riches à mesure que ceux-ci s’intègrent au commerce mondial.
Rendons à Ricardo ce qui est à Ricardo: les faits ont plutôt confirmé sa théorie. La mondialisation a bel et bien entrainé un enrichissement collectif, dans les pays en développement comme dans les pays riches (quoique moins rapide). En France, le produit intérieur brut par habitant a doublé depuis le début des années 1970 (quand commença la dernière phase en date de la mondialisation), soit une croissance réelle de 1,5% par an en moyenne. Et la mondialisation a aussi creusé les inégalités de revenus (avant impôts et transferts) dans les pays riches, comme prévu. Mais est-ce grave? Selon la théorie standard, nulle raison de s’en offusquer puisque l’enrichissement collectif signifie que les différentes nations ont une marge de manœuvre pour redistribuer (à coup de transferts sociaux) les fruits de la croissance des gagnants vers les perdants de la mondialisation. Et, par là-même, redistribuer le bonheur.