Kofi Annan, décédé samedi à l’âge de 80 ans, a marqué de son empreinte les Nations unies, à la tête de l’organisation pendant dix ans, devenant le seul ancien dirigeant de l’ONU à avoir, jusqu’ici, accédé au rang de vedette de la diplomatie mondiale.
Ce diplomate de carrière, charismatique sans être flamboyant, a contribué à rendre l’ONU plus présente sur la scène internationale pendant ses deux mandats, de 1997 à 2007.
Premier secrétaire général issu de l’Afrique sub-saharienne, le Ghanéen a dirigé l’organisation pendant la période troublée suivant les attentats du 11-Septembre puis de la guerre en Irak, avant de voir son bilan terni par des accusations de corruption dans l’affaire pétrole contre nourriture.
Lorsqu’il dirigeait le département du maintien de la paix, l’ONU a également connu deux des épisodes les plus sombres de son histoire: le génocide rwandais et la guerre en Bosnie.
A son départ du secrétariat général, il était cependant un des dirigeants de l’ONU les plus populaires. Conjointement avec l’organisation, il a reçu en 2001 le prix Nobel de la Paix pour ses efforts en faveur d’un monde mieux organisé et plus pacifique. J’ai essayé de placer l’être humain au centre de tout ce que nous entreprenons: de la prévention des conflits au développement et aux droits de l’Homme, avait-il déclaré.
40 ans aux Nations unies
Ces dernières années, Kofi Annan avait repris du service sur la scène diplomatique, prenant la tête d’une commission sur les droits des musulmans rohingyas poussés à fuir au Bangladesh face à la répression de l’armée birmane. Plus de 700.000 Rohingyas ont été forcés à l’exode l’année dernière.
Il a aussi créé une fondation consacrée au développement durable et à la paix et faisait partie du groupe des Elders (les anciens), créé par Nelson Mandela pour promouvoir la paix et les droits de l’homme.
A part quelques années passées comme directeur du tourisme du Ghana, M. Annan a consacré quarante ans de sa vie professionnelle aux Nations unies. Il a été le premier secrétaire général à sortir des rangs de l’organisation.
Il a d’abord dirigé les ressources humaines de l’ONU, puis les affaires budgétaires, avant de chapeauter à partir de 1993 le maintien de la paix et d’être propulsé quatre ans plus tard à la tête de l’organisation.
Dans son autobiographie, il affirme que l’ONU doit servir non seulement les Etats mais les peuples et qu’elle doit être l’enceinte où les gouvernements rendent des comptes sur la façon dont ils traitent leurs propres citoyens.
Des échecs
ces serbes de massacrer plusieurs milliers de musulmans à Srebrenica, en Bosnie.
Ces échecs m’ont confronté à ce qui allait devenir mon défi le plus important comme secrétaire général: faire comprendre la légitimité et la nécessité d’intervenir en cas de violation flagrante des droits de l’homme, a écrit Kofi Annan dans son autobiographie.
Rock star de la diplomatie
Malgré l’ombre jetée par le Rwanda et Srebrenica, Annan s’est vite adapté à son nouveau rôle de diplomate en chef, multipliant les apparitions à la télévision et les participations aux dîners mondains.
Jusqu’à devenir une vedette, qualifié par certains de rock star de la diplomatie.
Kofi Annan devait sa nomination aux Etats-Unis, qui avaient mis leur veto à un second mandat de son prédécesseur, l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali.
Cela ne l’a pas empêché de faire preuve parfois d’indépendance vis-à-vis des grande puissances. Ainsi, il a irrité Washington en estimant illégale l’invasion de l’Irak en 2003 parce que cette opération n’avait pas été entérinée par le Conseil de sécurité.
Alors, quand en 2005 un scandale de corruption lié au programme pétrole contre nourriture en Irak éclaboussa Kofi Annan et son fils Kojo, certains commentateurs y virent une vengeance.
Une commission d’enquête innocenta Kofi Annan mais découvrit des lacunes dans la gestion du programme: Kojo Annan était en relation avec une société suisse qui avait conclu de juteux contrats dans le cadre du programme.
Du Ghana à New York
Né en avril 1938 au Ghana, fils d’un cadre d’une filiale d’Unilever, Kofi Annan a étudié à l’université de Kumasi, puis dans une université américaine, avant d’entrer à l’Institut des hautes études internationales de Genève.
En 1965 il épouse Titi Alakija, issue d’une famille nigériane fortunée. Ils auront un fils, Kojo, et une fille, Ama, mais se sépareront à la fin des années 1970.
En 1984, il épouse en secondes noces Nane Lagergren, juriste suédoise, qui lui donnera une fille, Nina.
En février 2012, il est choisi par l’ONU et la Ligue arabe pour mener une médiation dans la guerre en Syrie, mais il jette l’éponge cinq mois plus tard.
Il accusera les grandes puissances d’avoir par leurs dissensions transformé sa médiation en mission impossible.