Les lois de la gravitation politique se sont imposées lors du premier débat de la course à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2016. Ce débat n’a pas échappé en effet à la plus expérimentée des cinq candidats, Hillary Clinton, placée par la vertu des intentions de vote en sa faveur au centre de la scène du grand hôtel de Las Vegas (Nevada) qui accueillait l’événement. L’ancienne First lady, qui s’était prêtée à cet exercice plus de vingt fois lors de sa première campagne, en 2008, a fait preuve de beaucoup d’aisance et d’autorité sur la plupart des sujets abordés.
Parmi les quatre autres candidats présents à ses côtés, Jim Webb, Lincoln Chafee, Martin O’Malley et Bernie Sanders, seul ce dernier, sénateur indépendant du Vermont, a pu rivaliser avec l’ancienne secrétaire d’Etat. Mais M. Sanders s’en est tenu à son registre qui consiste à attaquer avec une fougue qui lui vaut un véritable succès populaire « le capitalisme vorace » incarné par Wall Street, dont « la fraude est le business model ». Le doyen des courses à l’investiture démocrate et républicaine, âgé de 74 ans, s’est révélé un adversaire moins coriace que ne l’avait été Barack Obama huit ans plus tôt.
« Nous ne sommes pas au Danemark »
Sa description idyllique de la social-démocratie scandinave, dont il se revendique, lui a valu une réplique immédiate de Mme Clinton : « Nous ne sommes pas au Danemark, j’adore le Danemark, mais nous sommes aux États-Unis. » Face aux hésitations du sénateur sur le Moyen-Orient, la réplique de la favorite n’a pas tardé : « La diplomatie n’est pas la recherche de la solution parfaite, c’est trouver un équilibre entre différents risques. » Et Mme Clinton a aussi mis en difficulté le sénateur en rappelant certains de ses votes passés contre un plus grand contrôle des armes à feu.
La favorite démocrate s’était préparée aux questions portant sur son usage d’une adresse électronique personnelle lors de son passage au département d’Etat. Cette controverse, qui sera au cœur de son audition par une commission du Congrès le 20 octobre, l’a fragilisée auprès de l’opinion publique américaine, même si elle dénonce une instrumentalisation par le Parti républicain. M. Sanders aurait pu en profiter pour la mettre en difficulté, mais il s’y est volontairement refusé, laissant au contraire échapper son exaspération vis-à-vis d’un sujet qui détourne selon lui l’attention des vrais maux de la société américaine, comme l’intéressée venait de l’affirmer. « Le peuple américain en a ras le bol de vos fichus emails », a tonné le sénateur, s’attirant aussitôt les remerciements et une poignée de mains de Mme Clinton qui n’en espérait sans doute pas tant.