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Avec Da 5 Bloods sur Netflix, Spike Lee poursuit son combat contre le racisme

Si le nouveau film de Spike Lee a été tourné et monté bien avant la mort de George Floyd, il évoque tout un pan de l’histoire des inégalités raciales aux États-Unis.

Le réalisateur Spike Lee et ses acteurs Isiah Whitlock Jr, Delroy Lindo, Jonathan Majors, Clarke Peters et Norm Lewis
DAVID LEE/NETFLIX | Le réalisateur Spike Lee et ses acteurs Isiah Whitlock Jr, Delroy Lindo, Jonathan Majors, Clarke Peters et Norm Lewis poings levés sur le tournage de “Da 5 Bloods”

Si l’histoire est fictive, ce qu’elle raconte de la société américaine est bien réel. Dans Da 5 Bloods: Frères de sang, disponible sur Netflix ce vendredi 12 juin, le réalisateur Spike Lee imagine le destin de quatre vétérans afro-américains qui retournent au Vietnam cinquante ans après la guerre (1955-1975) pour y retrouver la dépouille de leur chef et une malle pleine de lingots d’or.

Mais comme tout film de Spike Lee – de Do the Right Thing en 1989 (où il filmait le meurtre d’un jeune Noir par un policier blanc) à Blackkklansman en 2018 (sur un policier noir infiltré dans le Ku Klux Klan) – Da 5 Bloods n’est pas juste un drame. C’est une nouvelle occasion pour le cinéaste de 63 ans, fervent défenseur de la cause noire, d’éclairer un peu plus le grand public sur l’histoire des minorités aux États-Unis.

Et alors que des manifestations contre le racisme et les inégalités raciales secouent en ce moment le pays de Donald Trump, la sortie de Da 5 Bloods et la caméra de Spike Lee rappellent que les Afro-Américains ont été un rouage fondamental de chaque grande étape de l’épopée américaine, à laquelle ils ont contribué au prix de leur sang.

L’expédition des quatre papys vétérans dans la jungle du Vietnam ne se passe pas comme prévu et ce qui démarrait comme un long métrage introspectif au parfum de nostalgie se transforme en film d’action à grand spectacle de 2h35.

La distribution est brillante, avec Chadewick Boseman (Black Panther) dans le rôle du chef charismatique qui apparaît régulièrement à l’aide de flash-back, et une brochette de seconds rôles d’âge mûr à la justesse impeccable parmi lesquels le bluffant Delroy Lindo, dont le personnage souffre d’un sévère trouble de stress post-traumatique.

Mais Spike Lee ne se contente pas d’un film d’action mettant en scène des Américains au Vietnam, même s’il multiplie les références à ses prédécesseurs, en premier lieu Apocalypse Now. Il joue sur plusieurs tableaux, multipliant les thèmes au risque d’en abandonner certains en route, et cette excursion mouvementée dans ce qui fut l’Indochine n’est qu’un prétexte pour évoquer la place des Noirs dans l’histoire des États-Unis.

De la construction du pays à la série de guerres dans lesquelles se sont engagés les États-Unis, les Afro-Américains ont toujours payé un lourd tribut à l’édification d’une Nation, rappelle Spike Lee tout au long du film. Notre combat n’est pas au Vietnam, résume d’ailleurs l’affiche.

Nous allons au casse-pipe pour ce pays depuis le début, en espérant qu’ils nous donneront la place que nous méritons, dit à ses compagnons Norman, le chef de patrouille, avant sa mort. Tout ce que nous avons eu, c’est un coup de pied au cul.

Cet or, que les quatre anciens soldats veulent récupérer, c’est un symbole évident des réparations que réclame une partie de la communauté noire, et au-delà, pour l’esclavage, la ségrégation puis la discrimination qu’ont subis les Afro-Américains pendant 400 ans.

Du Vietnam à Black Lives Matter

Lors d’une scène de flash-back où les soldats apprennent l’assassinat de Martin Luther King alors qu’ils sont sur le front au Vietnam, une voix de Radio Hanoï énonce: GIs noirs, votre gouvernement a envoyé 600.000 soldats pour écraser la rébellion. Or à l’heure qu’il est, vos sœurs et vos frères laissent éclater leur colère dans plus de 122 villes. Ils les tuent, pendant que vous vous battez contre nous. Et de rappeler que les Noirs ne représentent que 11% de la population des États-Unis, mais vous représentez 32% des soldats qui combattent au Vietnam.

Pour apporter les clés du contexte historique de ces événements, Spike Lee rythme comme souvent son film d’archives télévisuelles de Martin Luther King, Muhammad Ali ou Richard Nixon.

Pendant la guerre de Sécession, 186.000 hommes noirs ont combattu. On nous avait promis la liberté, nous ne l’avons pas obtenue, énumérait ainsi Bobby Seale, co-fondateur des Black Panthers lors d’un discours en 1968. Pendant la Seconde Guerre mondiale, 850.000 hommes noirs ont combattu, sans obtenir la liberté promise. Maintenant, c’est cette foutue guerre du Vietnam et nous n’obtenons toujours rien d’autre que des violences policières racistes.

Après la fin de la guerre, en 1978, Muhammad Ali déclarait lui: Ma conscience m’interdit d’aller tirer sur mon frère, sur des gens à la peau foncée ou des pauvres affamés qui vivent dans la boue pour satisfaire la grande Amérique. Et je les descendrais pour quoi? Ils ne m’ont jamais traité de ‘nègre’. Ils ne m’ont jamais lynché. Ils n’ont pas lancé de chiens sur moi. Ils ne m’ont pas volé ma nationalité.

Si Da 5 Bloods a été tourné et bouclé il y a des mois, Spike Lee y fait tout de même un trait d’union avec la plus récente actualité, en incluant Donald Trump, mais aussi le mouvement Black Lives Matter. Et forcément l’écho avec les manifestations de ces derniers jours est encore plus important.

Ce que je vois dans les rues aujourd’hui, c’est ce dont je me souviens durant les années 60 quand j’ai grandi, a expliqué mardi l’enfant de Brooklyn lors d’un entretien à la chaîne CBS, évoquant les grandes manifestations qui ont marqué la fin des Sixties, notamment contre la guerre du Vietnam et pour les droits civiques.

Plus de 30 ans après Do The Right Thing, dont l’épilogue fait étrangement écho à la mort de George Floyd, Spike Lee continue d’incarner mieux que personne un cinéma noir qui se veut tout à la fois militant et grand public.

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