Une fois n’est pas coutume, les partisans et les détracteurs du régime syrien au Liban et dans le monde arabe sont d’accord sur un point : la rencontre entre Bachar el-Assad et Vladimir Poutine, mardi au Kremlin, illustre la solidité de l’engagement de la Russie auprès du président syrien et de son gouvernement.
Avec notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalife
Pour la télévision du Hezbollah, en déroulant le tapis rouge au président Bachar el-Assad, la Russie a voulu délivrer un message selon lequel aucune solution politique à la crise syrienne ne peut avoir lieu sans le gouvernement de Damas.
Selon la chaîne de télévision al-Manar, cette visite prouve que la Russie est passée à l’offensive non seulement sur le plan militaire, mais aussi dans les domaines politique et diplomatique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard qu’après ce rare déplacement du président syrien, Moscou a annoncé la tenue, vendredi, d’une réunion quadripartite sur la Syrie à Vienne, avec la participation de la Russie, des Etats-Unis, de la Turquie et de l’Arabie saoudite.
Les Russes ont « un projet politique pour la Syrie »
Le célèbre journaliste d’origine palestinienne installé à Londres, Abdel Bari Atwan, écrit qu’au-delà des sujets qui ont été évoqués entre el-Assad et Poutine, l’élément important réside dans la visite en elle-même. Selon lui, Moscou est plus déterminé que jamais à soutenir son allié et à briser son isolement.
Le site internet de la coalition anti-syrienne du 14-Mars estime pour sa part que la visite est un défi lancé par la Russie à la communauté internationale. « Il est clair que les Russes ne se contenteront pas d’intervenir militairement, ils ont un projet politique pour la Syrie », peut-on lire sur le site. « Le règlement politique est inéluctable », confirme l’ambassadeur de Syrie au Liban, Ali Abdel Karim. « Mais pas avant la défaite des groupes terroristes », a-t-il assuré.
■ « Sur le terrain, l’offensive qui est appuyée par la Russie montre ses limites »
Invité de la mi-journée, ce mercredi sur RFI, Jean-Sylvestre Mongrenier, docteur en géopolitique et chercheur à l’Institut Thomas More, estime cependant que l’on ne peut pas parler de victoire de la diplomatie russe. « On assiste au renforcement de l’alliance entre Moscou et Damas. Et contrairement à ce que certains diplomates russes susurrent régulièrement, Bachar el-Assad et Vladimir Poutine sont bel et bien mariés. Ils ont des intérêts étroits », estime le chercheur.
Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, si la diplomatie publique russe insiste sur la lutte contre le groupe Etat islamique en Syrie « les intérêts russes sont beaucoup plus circonscrits : il s’agit coûte que coûte de soutenir le régime de Bachar el-Assad afin de conserver les intérêts stratégiques de la Russie en Syrie qui se concentrent sur la côte méditerranéenne. Il suffit de penser à la base navale de Tartous et, aujourd’hui, à l’aérodrome militaire de Lattaquié ».
Il pointe également la constitution d’un axe « Moscou – Damas – Téhéran » et la mise en place d’un « front russo-chiite ». Autant de facteurs qui, selon le chercheur, « confirment le retour de la Russie dans la géopolitique du Moyen-Orient ». Jean-Sylvestre Mongrenier relativise cependant la puissance de ce nouvel axe à l’œuvre en Syrie, soulignant que « sur le terrain, l’offensive qui est appuyée par la Russie montre ses limites ».