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États-Unis : la peine de mort dans l’impasse

La pénurie de produits d’injections létales oblige les États américains appliquant la peine de mort à suspendre leurs exécutions ou à contourner la loi…

Peine de mort, USA
Les États-Unis ont connu plusieurs exécutions “ratées” depuis janvier 2014, dont celles de Dennis McGuire, décédé dans l’Ohio après 25 longues minutes qui l’ont vu suffoquer, ou Joseph Wood, dont l’agonie a duré deux heures en Arizona. © Paul BUCK

De l’Oklahoma à l’Ohio, de la Californie à la Virginie, rien ne va plus dans les « chambres de la mort » américaines : en cause, la pénurie des produits d’injections létales, de surcroît accusés de tuer sans épargner la douleur. Cette controverse touche la majorité des 31 États qui appliquent la peine capitale et favorise le déclin général du nombre d’exécutions aux États-Unis, en baisse globale depuis 1999.

La polémique s’est illustrée mardi dans le Missouri : Ernest Johnson, un Noir de 55 ans, devait y être exécuté à 18 heures locales (minuit GMT mercredi). En 1994, il avait frappé à mort trois employés d’une station-service. Mais, dans une décision de dernière minute, la Cour suprême a accordé mardi soir un sursis au condamné, qui souffre d’une tumeur aux méninges.

Les défenseurs de Johnson avaient prévenu qu’en raison de sa pathologie, il risquait d’endurer une souffrance « intolérable » en recevant la perfusion de pentobarbital. Ce puissant barbiturique déprime le système nerveux central, dont certaines zones cérébrales. Le 8e amendement de la Constitution américaine bannit les « peines cruelles ou inhabituelles ». L’Union américaine de défense des libertés civiques et le Centre d’information sur la peine de mort avaient de leur côté estimé qu’exécuter Johnson, dont le quotient intellectuel est évalué à seulement 67, violerait la Constitution, qui prohibe la mise à mort de handicapés mentaux.

Les États-Unis ont connu plusieurs exécutions « ratées » depuis janvier 2014, dont celles de Dennis McGuire, décédé dans l’Ohio après 25 longues minutes qui l’ont vu suffoquer, Clayton Lockett, qui a succombé dans l’Oklahoma au bout de 43 minutes de râles et de convulsions, ou Joseph Wood, dont l’agonie a duré deux heures en Arizona.
Foire aux produits

Au-delà de ces cas qui ont choqué l’opinion publique, la situation s’est aggravée depuis le refus de firmes pharmaceutiques, pour la plupart européennes, d’approvisionner les États-Unis en produits mortels. La pénurie, qui dure depuis plusieurs années, a conduit certains États à se tourner vers des préparateurs en pharmacie non homologués par la FDA, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux. « Nous savons que les États contournent la loi et font affaire avec des sociétés pharmaceutiques de réputation douteuse », assure Dale Baich, un avocat spécialisé dans les peines capitales. D’autres États, dont l’Arizona ou le Nebraska, ont tenté d’acheter en catimini en Inde du thiopental, un barbiturique. « Le problème durera tant que les États continueront à garder le secret sur la source des produits utilisés dans les injections létales », estime Dale Baich.

Les révisions de protocoles de mise à mort, introduisant de nouvelles substances, ont par ailleurs donné une impression d’improvisation. On a vu surgir davantage de cas de surdosage, d’intolérance aux hypnotiques, voire d’erreurs manifestes. Début octobre, l’Oklahoma a reconnu avoir exécuté un condamné par de l’acétate de potassium, au lieu de chlorure de potassium. La Californie, de son côté, est engluée dans un débat sans fin sur l’efficacité d’une injection avec un seul produit mortel, par rapport à un protocole comptant trois substances. Quant à la Virginie, elle a dû quémander du très rare pentobarbital au Texas, l’État américain qui exécute le plus, afin de mettre à mort le mois dernier un assassin récidiviste. « Le Texas semble disposer d’un stock de produits relativement important, pour des raisons inconnues », confirme Deborah Denno, une experte de la question à l’université de droit de Fordham.
« Seulement » 25 exécutions en 2015

D’autres États, en rupture de stock ou paralysés par des actions judiciaires, ont de facto suspendu leurs exécutions. Au total, les États-Unis ont procédé à seulement vingt-cinq exécutions depuis le début de l’année. Le 10 octobre, un juge a suspendu huit exécutions dans l’Arkansas, en donnant raison aux condamnés qui exigeaient de savoir quels produits mortels on allait leur injecter. Le 19 octobre, l’Ohio a, lui, décidé de reporter toutes ses exécutions capitales jusqu’en 2017. Exécuté jeudi en Floride, Jerry Correll avait auparavant bénéficié de plusieurs mois de sursis en raison de questions sur le midazolam, une molécule utilisée dans la sédation des patients. Plusieurs États sont devenus circonspects vis-à-vis de cette substance de la famille des benzodiazépines, même si la Cour suprême des États-Unis a donné en juin son feu vert pour qu’elle soit utilisée dans l’Oklahoma. L’impasse générale conduit certains États à revenir à d’anciennes méthodes : le peloton d’exécution pour l’Utah, la chaise électrique pour le Tennessee, et l’inhalation d’azote pour l’Oklahoma.

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