Trois militants antiesclavagistes mauritaniens, condamnés en janvier à deux ans de prison pour rassemblement non autorisé et appartenance à une organisation non reconnue après avoir organisé une marche contre l’esclavage, ont refusé jeudi de comparaître à leur procès en appel, où le procureur a réclamé deux ans de prison ferme contre eux et six autres personnes qui avaient été libérées.
Les militants estiment en effet illégale la tenue du procès à Aleg – région très insalubre du centre du pays, où ils sont détenus en isolement – et exigent d’être incarcérés et jugés là où ils ont été arrêtés, à Rosso (sud), ou à leur domicile, Nouakchott (sur la côte, à l’ouest).
Des lois pour l’opinion extérieure
Préoccupée par la dégradation de son image entraînée par la campagne antiesclavagiste menée par le mouvement IRA (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste) et son président Biram Abeid, aujourd’hui incarcéré avec deux compagnons, la Mauritanie s’est dotée, le 11 août, d’une nouvelle loi contre l’esclavage, faisant de celui-ci un crime contre l’humanité.
L’esclavage a été officiellement aboli trois fois dans ce pays – qui compte cependant aujourd’hui encore la plus grande proportion d’esclaves au monde. L’esclavage y est officiellement criminalisé depuis 2007 et punissable de cinq à dix ans de prison; mais cette loi n’a été appliquée qu’une seule fois en six ans. En revanche, les militants antiesclavagistes sont régulièrement visés par des sanctions et emprisonnements.
M. Abeid et plusieurs de ses compagnons de lutte ont ainsi été poursuivis pour une grande variété d’inculpations : apostasie (la version locale de la loi islamique justifie l’esclavage), atteinte à la sécurité de l’Etat, atteinte aux préceptes de l’islam.
L’IRA n’a jamais pu obtenir son agrément, bien qu’elle ait pignon sur rue à Nouakchott, tout comme le parti créé par Biram Abeid pour se présenter à la présidentielle de juin 2014. Prix des Droits de l’homme de l’Onu en 2013, le militant avait néanmoins recueilli officiellement 9 % des votes, dont ceux de 7 000 des 25 000 soldats de l’armée mauritanienne, selon l’IRA.
Les esclaves n’ont accès ni aux papiers d’identité, ni à l’éducation, ni à la propriété, ni à la libre circulation, ni au salaire, ni au repos, ni au libre mariage, et n’ont pas de droit sur leurs enfants. Ils subissent des punitions corporelles.