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L’immolation d’une femme, pour trois euros au Maroc

Des flammes dans la nuit noire. La scène, insoutenable, a été filmée à partir d’un smartphone tenu sans le moindre tremblement : une femme s’immole, son corps en feu s’effondre. Ce drame s’est déroulé, le 9 avril dernier, face à la moqataâ, le siège d’une administration relevant du ministère de l’intérieur, dans la paisible ville de Kénitra, à 45 kilomètres de Rabat, la capitale.

Maroc
Le 18 avril, les vendeurs de Kénitra se sont rassemblés devant le siège de l’autorité locale pour réclamer justice pour Fatiha, en brandissant des images de son visage brûlé. CRÉDITS : FADEL SENNA / AFP

La quadragénaire est décédée quelques jours plus tard à Casablanca, où elle a été transportée au service des grands brûlés de l’hôpital Ibn Rochd. Elle s’appelait Fatiha, elle avait 42 ans. Son prénom et sa triste histoire sont désormais célèbres au Maroc.

Altercation avec les « mokhaznis »

Marchande ambulante, elle vendait des petits gâteaux à deux centimes d’euros aux enfants, sur son étal en bois recouvert de toile cirée. Un commerce informel dans un souk famélique. La valeur totale de sa marchandise du jour n’excédait pas trois euros.

Fatiha a laissé une fille, Hind, 22 ans, dont une vidéo la montrant éplorée, pleurant sa mère, a ému la toile marocaine. Contactée, Hind, en état de choc après sa surmédiatisation et la tragédie qui l’a précédée, n’a pu s’exprimer. En lieu et place de la tonalité d’appel de son téléphone, une lancinante musique orientale pleurant la figure de la mère.

Les circonstances de ce drame restent floues. D’après Saïd Qeffaf, président de la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), une ONG qui compte près de 10 000 adhérents dans tout le Maroc, Fatiha s’était assise à même le sol, ce jour-là, comme à son habitude, à la porte du modeste souk de quartier.

Des mokhaznis (forces auxiliaires de l’armée placées sous l’autorité du ministère de l’Intérieur) lui ont demandé de quitter cet endroit et d’entrer dans le souk pour y vendre sa marchandise. Elle a obtempéré dans un premier temps, mais s’est vue refuser la moindre parcelle par les autres marchands ambulants, dont les places sont préétablies selon un vieil usage. De guerre lasse, Fatiha est revenue à sa place initiale, un mur blanc décati près de la porte.

Les faits qui ont suivi ne sont pas encore établis avec précision, la procédure judiciaire suit son cours. Après une échauffourée entre Fatiha et plusieurs agents d’autorité locaux, sa maigre marchandise et son étal lui auraient été confisqués. Elle aurait ensuite été arbitrairement retenue au siège de la moqataâ, serait repartie chez elle sans ses biens, et serait ensuite revenue le soir sur ces lieux, munie d’une substance inflammable, avant de se donner la mort sur la voie publique.

« Dépression chronique »

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