Le président brésilien Jair Bolsonaro pourrait faire face à une procédure de destitution après l’ouverture d’une enquête ordonnée lundi par la plus haute juridiction brésilienne sur la base d’accusations d’ingérence dans des enquêtes policières portées par son ancien ministre de la Justice.
Le juge de la Cour suprême Celso de Mello a donné 60 jours à la police fédérale pour interroger Sergio Moro, ex-ministre de la Justice et champion de la lutte anticorruption qui a claqué la porte du gouvernement vendredi, selon une décision consultée par l’AFP.
Une telle enquête pourrait ouvrir la voie soit à une procédure de destitution contre Jair Bolsonaro, soit à des poursuites à l’encontre de Sergio Moro pour faux témoignage.
Ce très populaire et désormais ancien ministre, célèbre pour son opération anticorruption Lava Jato (Lavage express), a présenté vendredi sa démission après le limogeage du chef de la police fédérale, un organisme qui dépend du ministère de la Justice.
Le changement à la tête de la police fédérale sans cause réelle est une ingérence politique, qui entame ma crédibilité et celle du gouvernement, avait lancé Sergio Moro.
Le président m’a dit qu’il voulait nommer une personne avec qui il aurait un contact personnel, qu’il pourrait appeler pour obtenir des informations sur les enquêtes, avait-il ajouté lors d’une conférence de presse à Brasilia.
Le président avait répliqué vendredi que ces accusations étaient infondées.
La décision de la Cour suprême énumère sept infractions que pourrait avoir commises M. Bolsonaro, parmi lesquelles la prévarication (grave manquement d’un homme d’État aux devoirs de sa charge) et l’obstruction à la justice.
Après sa démission, M. Moro avait montré à la télévision un échange sur la messagerie WhatsApp où le chef de l’Etat semblait exercer sur lui des pressions pour changer de chef de la police fédérale.
Mardi, le président Bolsonaro a fini par nommer à sa tête Alexandre Ramagem, ami personnel de son fils Carlos Bolsonaro.
Pour remplacer Sergio Moro au ministère de la Justice, le chef de l’Etat préféré un avocat au profil plus technocrate, André Mendonça, alors qu’il pensait initialement à nommer un autre proche de sa famille.
Destitution
Si le parquet devait trouver des éléments accusant M. Bolsonaro, la Chambre des députés devra autoriser ou non l’ouverture d’un procès par la Cour suprême, et s’il devait être traduit devant la plus haute juridiction du pays, il serait écarté du pouvoir le temps du jugement.
En 2017, le prédécesseur de Jair Bolsonaro, Michel Temer, accusé de corruption, s’était retrouvé dans ce cas de figure à deux reprises. Dans les deux cas, la requête avait été refusée par la Chambre des députés.
Il s’agit d’une procédure différente de celle de l’impeachment qui a abouti à la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff en 2016, entièrement menée par le Congrès.
Plusieurs députés ont d’ailleurs déposé des demandes d’impeachment, une autre menace qui pèse sur le président d’extrême droite.
M. Bolsonaro traverse une passe difficile, avec l’épidémie de coronavirus qui a ralenti l’économie et créé des tensions avec les autorités d’Etats fédérés soucieux de protéger leur population, tandis que lui-même minimise la crise sanitaire qui a déjà fait plus de 5.000 morts.
D’après un sondage Datafolha publié par le quotidien Folha de S. Paulo, 45% des Brésiliens pensent que le Congrès devrait ouvrir une procédure de destitution, et 48% qu’il ne devrait pas.
Le remplacement du directeur de la police fédérale est perçu comme une tentative du président pour contrôler l’enquête qui s’intéresse de près à sa famille et ses alliés politiques.
D’autres enquêtes concernent d’ailleurs M. Bolsonaro ou son entourage.
L’une d’elles, ouverte en mars 2019, se penche sur des campagnes d’infox qui ont visé plusieurs juges du Tribunal suprême fédéral ayant contrarié les projets du chef de l’Etat, par exemple concernant la législation sur la détention et le port d’armes à feu.
Une autre, ouverte par le procureur général de la République Augusto Aras le 21 avril, concerne une manifestation pro-militaire et anticonfinement organisée à Brasilia par des partisans de Jair Bolsonaro à laquelle le président a participé.