Le chef de l’Etat vénézuélien Nicolas Maduro a rejeté dimanche soir l’ultimatum de plusieurs pays européens pour l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle, tandis que ces membres de l’UE ont promis de reconnaître dans ce cas l’opposant Juan Guaido comme président dès lundi.
Dans un entretien avec la chaîne de télévision espagnole La Sexta, M. Maduro a déclaré qu’il ne ferait pas preuve de lâcheté face aux pressions de ceux qui réclament son départ.
L’Espagne, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Portugal, rejoints dimanche par l’Autriche, exigeaient de M. Maduro qu’il annonce la convocation d’une présidentielle anticipée, faute de quoi ils reconnaîtraient à partir de lundi M. Guaido, 35 ans, comme président.
Pourquoi faut-il que l’Union européenne dise à un pays du monde qui a déjà organisé des élections qu’il doit refaire son élection présidentielle, parce que ce ne sont pas ses alliés de droite qui l’ont gagnée?, s’est interrogé M. Maduro, qui s’exprimait depuis Caracas.
Ils tentent de nous coincer avec des ultimatums pour nous obliger à en venir à une situation extrême de confrontation, a-t-il poursuivi.
Quelques heures après l’expiration de cet ultimatum, Ottawa doit accueillir lundi matin une réunion de crise des ministres des affaires étrangères du Groupe de Lima, qui regroupe le Canada et une dizaine de pays latino-américains.
Des participants de l’ensemble de la communauté internationale devraient également se joindre aux discussions, selon le ministère canadien des Affaires étrangères. Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo y participera par vidéoconférence, a indiqué le département d’Etat. Et l’Union européenne pourrait aussi y prendre part.
Trois piliers de la crise
Cette réunion, censée débuter à partir de 9h00 locales (14h00 GMT), vise à discuter des trois piliers de la crise vénézuélienne, selon l’expression de la diplomatie canadienne: humanitaire, économique et politique. Une conférence de presse est prévu à l’issue des débats, vers 20h30 GMT.
Dimanche, le Premier ministre Justin Trudeau, qui s’est impliqué personnellement dans cette crise, a d’ailleurs téléphoné à Juan Guaido. Les deux hommes ont appelé à l’organisation d’une présidentielle libre et juste et réaffirmé l’illégitimité de Nicolas Maduro.
Créé en 2017, le Groupe de Lima comprend l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Pérou, le Guyana et Sainte-Lucie.
Si M. Maduro n’organisait pas de présidentielle, avait prévenu dimanche la ministre française des Affaires européennes Nathalie Loiseau, nous considèrerons que M. Guaido est légitime pour les organiser à sa place et nous le considèrerons comme le président par intérim jusqu’à des élections légitimes.
Ce que répond jusqu’à présent M. Maduro, c’est +je vais organiser des élections législatives+, sous-entendu +je veux me débarrasser du président du Parlement (où l’opposition est actuellement majoritaire, ndlr), M. Guaido+, qui est justement soutenu par les manifestants. Là encore, cette réponse est une farce, une farce tragique, ajoutait-elle.
Jeudi, le Parlement européen a reconnu l’autorité de M. Guaido et a appelé l’ensemble des pays de l’Union européenne à faire de même.
Les Etats-Unis, le Canada et de nombreux pays d’Amérique latine, dont la Colombie et le Brésil, ont déjà reconnu Juan Guaido.
Ingérence destructrice
Donald Trump a de son côté réaffirmé que le recours à l’armée américaine au Venezuela était une option, dans un entretien avec la chaîne de télévision américaine CBS diffusé dimanche.
Soutenu par la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Turquie ou encore Cuba, M. Maduro, 56 ans, accuse les Etats-Unis d’orchestrer un coup d’Etat.
La solution à ces problèmes (au Venezuela), avant tout socio-économiques, doit être trouvée et mise en œuvre par les Vénézuéliens eux-mêmes. La tâche de la communauté internationale est de les aider dans ce domaine, sans ingérence extérieure destructrice, a à cet égard déclaré le responsable du département chargé de l’Amérique latine au ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Chtchetinine, cité par l’agence de presse Interfax.
Lors de sa première réapparition en public pour la première fois en six mois, Nicolas Maduro avait rassemblé samedi des milliers de ses partisans à Caracas. Il avait relancé l’idée de législatives anticipées dans le courant de l’année, pour remplacer un Parlement dépouillé de l’essentiel de ses prérogatives au profit d’une Assemblée constituante qui lui est acquise.
Un groupe de contact international constitué par l’UE pour favoriser l’organisation d’une élection présidentielle libre, transparente et crédible doit se réunir jeudi à Montevideo, ont annoncé la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini et le président uruguayen Tabaré Vazquez.
L’UE et huit de ses États membres (Allemagne, Espagne, France, Italie, Portugal, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) en font partie, ainsi que la Bolivie, le Costa Rica, l’Équateur et l’Uruguay.
Devant la représentation de l’Union européenne à Caracas, M. Guaido a prédit samedi un mois de février déterminant et a appelé ses partisans à une nouvelle manifestation le 12 février. Il a également annoncé l’arrivée dans les prochains jours d’une aide humanitaire.
Selon lui, des centres de collecte doivent être installés de l’autre côté de la frontière, en Colombie et au Brésil, et sur une île des Caraïbes.
Les Etats-Unis ont de leur côté fait savoir, via un message sur Twitter du conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, qu’à la demande du chef de l’opposition, ils préparaient déjà et transportaient de l’aide humanitaire destinée au Venezuela.
Les habitants du Venezuela, pays pétrolier et autrefois le plus riche d’Amérique latine, sont désormais confrontés à de graves pénuries de vivres et de médicaments, ainsi qu’à une inflation galopante. Depuis 2015, quelque 2,3 millions d’entre eux ont chois de s’exiler, sur une population totale de 31 millions d’habitants.