Coronavirus : l’industrie du Hajj dans la tourmente au Sénégal

L’Arabie Saoudite a longtemps tergiversé. Mais finalement la décision est tombée le 22 juin. À cause du coronavirus, les musulmans résidents hors des frontières du royaume seront privés de Hajj, cette année, une première dans l’histoire moderne depuis la création du Royaume en 1932.

Kaaba | Le pèlerinage à la Mecque est l’un des cinq piliers de l’Islam. | Getty image

Le pèlerinage annuel à La Mecque, ville sainte et capitale de la province de la Mecque en Arabie saoudite, se tient fin juillet avec un nombre très limité de fidèles.

Sur le site internet du ministère saoudien du Hajj, les services traditionnellement proposés sont d’ailleurs indisponibles.

La misère des voyagistes privés sénégalais

Le pèlerinage est organisé au Sénégal en partie par l’état via la Délégation générale au pèlerinage. Mais la majorité des pèlerins est acheminée par des voyagistes privés.

Ceux-ci proposent des packages qui coûtent entre 3,2 et 3,5 millions FCFA et qui prennent en charge le billet d’avion, la restauration, l’hébergement, le transport, les vaccins, les assurances etc.

Avec l’annulation du Hajj et la suspension en mars de l’Oumra (pèlerinage qui n’est pas une obligation comme le Hajj – un des 5 piliers de l’Islam), toute la chaine de valeur du pèlerinage est affectée.

Les visites aux lieux saints de l’islam ne génèrent pas moins de 40 milliards de franc CFA de chiffre d’affaire par an.

Avec 12800 pèlerins par an pour environ 3,5 à 4 millions de FCFA par personne, imaginez toutes les sommes à mobiliser durant ces événements et tout ce qu’il y avait comme activités parallèles aux pèlerinages , explique Oureye Thiam, une femme d’affaires qui possède une agence de voyage spécialisée dans le tourisme religieux.

Du transport aérien, à l’hôtellerie et la restauration, en passant par le commerce, et les prestations de services, les activités sont à l’arrêt pour beaucoup, à cause de la pandémie de Covid 19.

Le professeur Abdoul Aziz Kébé est le délégué général au pèlerinage au Sénégal. Il est conscient des conséquences économiques de l’annulation de cet événement religieux.

Pour certaines de ces agences, il y a d’autres activités bien sûr en dehors du pèlerinage : il y a le tourisme, le tourisme religieux en Algérie, en Turquie entre autres. Mais pour une grande partie des agences, l’activité principale reste le Hajj. Par conséquent, c’est un manque à gagner extraordinaire pour ces organisateurs affirme le Professeur Kébé.

Mme Thiam abonde dans le même sens et déclare que les opérateurs qui tentent de diversifier leurs activités font principalement de la billetterie.

Depuis le mois de Mars, il n’y a pas de billetterie qui fonctionne au Sénégal, déplore-t-elle.

À la baisse des revenus des voyagistes sénégalais, s’ajoute aujourd’hui des demandes de remboursement introduits par d’anciens candidats au Hajj et à l’Oumra qui avaient déjà payé tous les frais exigés par les agences.

Entre la Oumra Rajab et la Oumra Ramadan, c’est les deux grandes saisons pour la Oumra et malheureusement les gens étaient prêts, les places étaient vendues, les billets d’avions déjà achetés. Personnellement, j’ai remboursé mes clients pour la Oumra alors les compagnies ne m’ont pas remboursé mon argent  affirme Mme Thiam.

Le voyagiste précise toutefois que les demandes de remboursement sont de l’ordre 5 à 6%, le reste des pèlerins préférant être considéré en priorité pour le Hajj 2021.

Le tourisme religieux finance ainsi directement ou indirectement des centaines de milliers d’emplois.

Maodo Malick kébé vend des chapelets, des tapis de prière, de djellabas, foulards et autres articles cultuels dans sa boutique située aux Parcelles Assainies dans la banlieue de Dakar, la capitale sénégalaise.

Le commerçant prévoit déjà une année difficile, s’attendant à voir son chiffre d’affaire chuter d’environ 30%.

Le Hajj était pour nous une occasion de vendre nos produits mais également d’acheter de nouveaux produits que nous vendons une fois de retour au pays ajoute Maodo Malick.

Il y’a d’un autre côté les vendeurs de moutons, qui ne pourront pas comme chaque année évacuer les bêtes invendues lors de l’Aid al Ada, communément appelé tabaski dans le pays, au cours des cérémonies célébrant le retour des pèlerins de la Mecque.

Ces fêtes aussi fastueuses que les mariages, baptêmes et Ganalé, (cérémonie célébrant le retour des pèlerins de la Mecque) au Sénégal sont le gagne-pain de Maty Tall, cuisinière professionnelle à Pikine, un quartier populaire de Dakar.

Avant l’arrivée du Covid 19 dans le pays, Maty s’occupait de sa famille grâce à son activité, et la période post Hajj était particulièrement bonne pour ses affaires, mais comme beaucoup d’autres, son travail s’est arrêté net quand l’Etat d’urgence a été décrété, et même avec la fin de ce régime d’exception, les activités tardent à reprendre.

« J’ai dû emprunter de l’argent au préteur sur gage du quartier pour pouvoir commencer un petit commerce d’encens et de chaussures artisanales. Cette année il n’y aura pas de Ganalé, (cérémonie célébrant le retour des pèlerins de la Mecque) et les autres cérémonies se font à huit clos. À cause de la maladie, les clients ont peur de faire appel à nous », raconte Maty.

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