Très attendues par les autorités ivoiriennes, ces festivités sportives et culturelles débutent vendredi alors que le climat politique se dégrade à Abidjan.
C’est le jour J. Les 8e Jeux de la Francophonie débutent vendredi soir 21 juillet à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour s’achever à la fin du mois. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils se dérouleront dans une ambiance très… spéciale. Instabilité militaire chronique depuis le début de l’année, avec des mutineries sur l’ensemble du pays en janvier et en mai, une grogne de soldats rapidement et fermement matée à Korhogo, au nord, à la mi-juillet (trois morts), des tirs et des vols dans une école de police en pleine capitale économique mercredi. Il faudra donc un peu plus que les décorations, drapeaux et autres affiches des Jeux, qui ont envahi ces derniers jours Abidjan, pour détendre l’atmosphère et rassurer la majorité des Ivoiriens et des participants.
« La sécurité des athlètes et des spectateurs est une préoccupation majeure pour nous et elle est assurée, déclare au Monde Afrique Robert Beugré Mambé, ministre auprès du président de la République chargé des Jeux de la Francophonie. Le dispositif de sécurité a été renforcé, de manière visible, mais aussi en coulisses. Tous les chantiers sont terminés, les délégations arrivent au fur et à mesure. »
« Des Jeux populaires »
Pourtant, sur le terrain, vingt-quatre heures avant l’ouverture des Jeux, la réalité était un peu plus nuancée. Si les forces de sécurité étaient effectivement omniprésentes, les travaux, eux, se poursuivaient toujours aux abords du stade Félix-Houphouët-Boigny, mais surtout au village olympique, un grand ensemble de préfabriqués qui doit accueillir les 4 000 athlètes et artistes venus de 80 pays. Confié au groupement SNEDAI-GETRAN, de l’homme d’affaires et député du parti présidentiel Adama Bictogo, pour un montant de 12,5 milliards de francs CFA (19 millions d’euros) le chantier, qui devait être livré en mars puis en avril, a visiblement pris beaucoup de retard. Ratissages par-ci, derniers coups de peinture par là et, au milieu, des sportifs qui semblent à la fois concentrés et amusés. « Nous sommes prêts », martèle malgré tout le ministre Beugré Mambé.
Alors, la Côte d’Ivoire relèvera-t-elle le défi ? Elle qui doit d’ailleurs organiser pour la deuxième fois de son histoire (après 1984) la Coupe d’Afrique des nations en 2021. Au pays, la question, comme l’événement, ne passionne pas les foules. « Notre plus grosse attente est que ces Jeux soient populaires », confiait Mahaman-Lawan Seriba, directeur du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF), lors d’une conférence de presse jeudi, à Abidjan.
Dans une Côte d’Ivoire de plus en plus divisée, où la « réconciliation nationale » n’a pas bougé d’un iota depuis la fin de la crise postélectorale de 2010-2011, nombreux sont ceux qui voient dans ces Jeux ceux d’un seul camp. « Leurs Jeux », « c’est entre eux, là-bas », entend-on dans des conversations de cette Côte d’Ivoire toujours nostalgique de Laurent Gbagbo, cette Côte d’Ivoire des « Gbagbo ou rien » (GOR), comme elle est communément appelée ici. Politiquement divisée, affaiblie, boycotteuse de tous les scrutins (présidentiels, législatifs, municipales et référendaire) depuis 2011, mais bel et bien vivante.
Reprise en main de l’armée
Autres paramètres, peu fédérateurs pour le peuple ivoirien : les vases communicants que sont devenus, ces derniers mois, la dislocation de la coalition au pouvoir et le malaise au sein de l’armée.
Porté au pouvoir en 2011 et 2015 par une coalition regroupant notamment les Forces nouvelles (ancienne rébellion) de Guillaume Soro et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara semble désormais décidé à recentrer son pouvoir sur son parti, le Rassemblement des républicains (RDR).
Après avoir limogé des hauts fonctionnaires proches de MM. Bédié et Soro début juillet, le président ivoirien a procédé jeudi à un remaniement gouvernemental confiant respectivement les stratégiques ministères de la défense et du budget à Hamed Bakayoko, l’ancien ministre de l’intérieur, et à Amadou Gon Coulibaly, l’actuel premier ministre. Deux hommes du premier cercle.