De l’enfer d’être une femme en politique au Kenya

Esther Passaris, femme d’affaires kényane et candidate à la députation aux élections générales du 8 août 2017. Crédits : Esther Passaris

Pour les candidates aux prochaines élections générales du 8 août, impossible de faire campagne sans être constamment harcelées, injuriées, violentées.

Esther Passaris, femme d’affaires kényane et candidate à la députation aux élections générales du 8 août 2017. Crédits : Esther Passaris

Nous sommes en direct sur la chaîne KTN. Le show du soir est l’un des plus populaires de toute la télévision kényane. En ce 16 novembre 2016, l’avocat Miguna Miguna débat avec la femme d’affaires Esther Passaris. Tous deux lorgnent sur le poste de gouverneur de Nairobi. Mais, rapidement, la confrontation dérape. Miguna insulte sans retenue sa contradictrice : « Femme sans aucune intégrité », « Bimbo mondaine cherchant la renommée juste pour trouver des milliardaires pouvant prendre soin d’elle ». A la pause, hors antenne, le torrent d’injures ne tarit pas : « Esther est tellement belle : tout le monde veut la violer ! », lance Miguna, sourire aux lèvres, visiblement fier de lui.

La scène, filmée par un téléphone portable et diffusée sur les réseaux sociaux, avait alors soulevé une vague d’indignation au Kenya, où des élections générales doivent avoir lieu le 8 août. Mais ce qui pourrait apparaître comme un dérapage répugnant est en réalité la norme dans un pays devenu un véritable enfer pour les femmes en politique. Six mois après l’incident, rien n’a changé, estime Esther Passaris. « C’est toujours très violent pour les femmes. J’ai l’impression que ces insultes ne cesseront jamais », confie-t-elle.

Discréditer et humilier

Pour les candidates, la marche vers le pouvoir est un chemin de croix. Impossible de faire campagne sans être constamment harcelée, injuriée, violentée. A Nyeri (centre), une aspirante députée a expliqué au quotidien Daily Nation être accueillie dans ses déplacements par des hordes de mâles hurlant des insultes entrecoupées de gémissements sexuels, n’hésitant pas à l’embrasser, à la gifler, à lui toucher les seins ou les fesses. Voire à la déshabiller de force.

Ces techniques d’intimidation sont des plus courantes et ne doivent rien au hasard. Organisées délibérément par les candidats masculins, elles visent à discréditer et à humilier leurs adversaires. Nombre de candidates disent ainsi recevoir régulièrement chantage et menaces de mort envoyés directement par texto ou lancées à l’oral par ds compétiteurs qui ne cherchent même pas à se cacher.

Des mots aux actes, il n’y a qu’un pas. Ainsi, à Nyanza (ouest), une députée sortante a-t-elle vu son garde du corps assassiné et sa maison incendiée le jour de sa victoire aux primaires de son parti. Plusieurs autres femmes disent également avoir été attaquées à coups de machette ou de barre de fer par des bandes armées envoyées par leurs concurrents. Quelques-unes ont fini à l’hôpital. Certaines, face à la passivité de la police, ont renoncé à être candidates.

Qui imaginerait qu’il s’agit ici du pays de Wangari Maathaï, première Africaine à recevoir en 2004 le prix Nobel de la paix et icône mondiale du droit des femmes ? Le Kenya, autoproclamé Etat le plus progressiste de la région, ne compte en réalité que 19,5 % de députées à l’Assemblée nationale, soit 68 femmes pour 350 sièges. Un chiffre qui place Nairobi loin derrière ses voisins régionaux, à commencer par le Rwanda, champion du monde, avec 61 % de députées à la Chambre basse, mais aussi l’Ethiopie (38 %), le Burundi (36 %), l’Ouganda (34 %) et même le Soudan du Sud (28 %) et la Somalie (24 %), pourtant plongés dans la guerre civile.

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