Les affrontements font suite à l’installation de portiques de détection de métaux aux abords du lieu saint, en réponse à l’assassinat de deux policiers israéliens, le 14 juillet.
La funeste chronique d’une crise annoncée se décline en chiffres. Trois morts et plus de 450 blessés côté palestinien ; trois Israéliens tués au couteau dans la colonie d’Halamish, au nord-ouest de Ramallah. Tel est le bilan du seul vendredi 21 juillet, point d’orgue d’une semaine de fièvre autour de l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs).
Les affrontements qui ont émaillé les quartiers arabes de Jérusalem-Est ainsi que des villes en Cisjordanie étaient redoutés par tous les observateurs. Ils font suite à l’installation de portiques de détection de métaux par la police aux abords de l’esplanade, en réponse à l’assassinat de deux policiers par trois Arabes israéliens, le 14 juillet.
Depuis, à l’appel du Waqf – la fondation pieuse jordanienne gérant le lieu saint –, les fidèles musulmans refusent d’y pénétrer, participant à des prières de rue. Vendredi, la police a décidé de créer un cordon étanche autour de la vieille ville, en limitant les accès aux femmes et aux hommes de plus de 50 ans. Il s’agissait de parer au plus pressé après la décision du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, de maintenir les portiques, à l’issue d’une réunion du cabinet de sécurité, la nuit précédente.
Dès la soirée de vendredi, l’illusion de pouvoir juguler la violence palestinienne s’est évanouie. Un homme s’est infiltré dans la colonie d’Halamish, pendant le dîner de shabbat, avant de poignarder quatre personnes ; trois décéderont. L’armée a envoyé aux journalistes une photo du sol de la cuisine, entièrement couvert de sang. L’assassin, grièvement blessé, avait évoqué sur Facebook « la guerre contre Al-Aqsa » (le troisième lieu saint de l’islam) pour justifier son attaque, postant chaque jour des clichés du lieu saint.
« Punition »
Policiers, émeutiers, « martyrs » tueurs de colons : ces acteurs classiques des violences dans le conflit israélo-palestinien ont joué leur triste partition, vendredi. Mais un mouvement de résistance civique, non violent, mobilise aussi l’opinion publique palestinienne, chauffée par les médias et les responsables religieux.
La mosquée Al-Aqsa est la maison commune à défendre, par la prière de rue. Pour les croyants, il en va non seulement de leur foi, mais de leur identité et de leur fierté comme Palestiniens. Les habitants de Jérusalem-Est sont particulièrement mobilisés. L’esplanade des Mosquées fait partie de leur géographie intime. En y mettant les pieds, fin septembre 2000, Ariel Sharon, alors chef du Likoud, avait déclenché la seconde Intifada.
Walid Abou Ikab, 48 ans, vit aux Etats-Unis depuis trois décennies. Il est rentré à la mi-mai pour passer du temps en famille, à Nazareth. Vendredi, ce plombier a pris sa voiture, seul, dans la nuit, pour parvenir à l’entrée de l’esplanade dès l’aube. Mais il n’a pas pénétré sur le site, en raison des portiques.
« Ils sont totalement injustes, c’est une maison de prière ici. Avez-vous vu des portiques devant les églises ? » Walid Abou Ikab estime que cette mesure représente « une punition », marquant la domination israélienne sur le lieu saint. Lorsqu’on lui demande s’il perçoit une solidarité dans le monde arabe, ses yeux s’embuent. « Ce n’est pas facile de se sentir seul. »
Au pied de la montée conduisant vers la porte des Lions, des barrages de police empêchent les fidèles de monter. Le soleil cogne, peu d’ombre salvatrice. A la mi-journée, des centaines de Palestiniens ont afflué. A même le sol ou sur des tapis de prière, ils ont prié.
Un peu plus tôt, les policiers avaient tiré trois grenades assourdissantes pour ouvrir la voie à deux voitures.
Les affrontements entre les forces de l’ordre et les émeutiers ont été bien plus graves, au même moment, dans plusieurs quartiers de Jérusalem-Est, comme Wadi al-Joz, Silwan ou Abou Dis. Selon le Croissant-Rouge palestinien, 23 Palestiniens auraient été blessés par balles réelles.