La Première ministre britannique Theresa May a défendu mercredi au Parlement le projet d’accord conclu la veille par les négociateurs européens et britanniques, avant une réunion cruciale de son gouvernement qui doit se prononcer sur le texte.
Ce que nous avons négocié est un accord qui répond au vote des Britanniques lors du référendum de juin 2016, a affirmé Mme May, en réponse à un député de son parti conservateur qui estimait que le texte contenait des concessions inacceptables.
Cette passe d’armes est intervenue peu avant la réunion à 14H00 GMT de son cabinet, qui doit approuver le projet pour permettre l’organisation d’un sommet exceptionnel avec les dirigeants européens destiné à valider un traité de retrait.
Ce sommet devrait probablement avoir lieu le dimanche 25 novembre si le gouvernement britannique est satisfait du texte, a affirmé mercredi le Premier ministre irlandais Leo Varadkar. Les Parlements européens et britannique devront ensuite ratifier l’accord avant la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 29 mars 2019.
La réunion du cabinet est un moment de vérité, soulignaient mercredi les quotidiens Financial Times et The Telegraph. Dans son éditorial, le tabloïd The Sun estime que le texte est une trahison et doit être rejeté.
Dès mardi soir, Mme May a commencé à recevoir individuellement ses ministres pour s’assurer leur soutien.
Rien ne garantit (que l’accord) sera accepté par le cabinet, a commenté Ruth Gregory, analyste chez Capital Economics. Nous ne serions pas surpris de voir de nouvelles démissions de la part de Tories tant europhiles qu’eurosceptiques.
Pour faire pression sur les ministres, le groupe pro-Brexit Leave means Leave a lancé un appel à manifester devant Downing Street, relayé notamment par Nigel Farage, l’ancien chef de la formation europhobe UKip.
De leur côté, les ambassadeurs des 27 autres pays de l’UE se retrouvent à 14H00 GMT à Bruxelles. Dans la matinée, le gouvernement irlandais s’est lui aussi réuni pour étudier la proposition.
Scission du Royaume-Uni
Le contenu du projet d’accord n’a pas été divulgué, mais le principal enjeu réside dans les dispositions concernant la frontière irlandaise, sur lesquelles les négociations butaient ces dernières semaines.
Selon la télévision publique irlandaise RTE, le projet d’accord prévoit un filet de sécurité destiné à éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande voisine sous la forme d’un arrangement douanier incluant tout le Royaume-Uni avec des dispositions plus approfondies concernant l’Irlande du Nord en termes douaniers et réglementaires.
L’Irlande du Nord sera traitée de manière très différente du reste du Royaume-Uni. Beaucoup de personnes concluent que cela aboutira à une frontière réglementaire en mer d’Irlande, a dénoncé sur la BBC Jeffrey Donaldson, député du parti nord-irlandais DUP, allié du Parti conservateur de Mme May et force d’appoint indispensable pour disposer d’une majorité absolue au Parlement.
Un accord qui sape l’intégrité économique et constitutionnelle du Royaume-Uni n’est pas acceptable, a aussi mis en garde la cheffe du DUP Arlene Foster.
Etat vassal
Au sein des Tories, le projet d’accord est loin de faire l’unanimité. Les partisans du Brexit craignent qu’il n’oblige le Royaume-Uni à se plier aux règles de l’UE pendant des années, et l’empêche de véritablement couper les liens.
Avec cet accord, nous allons rester dans l’union douanière, nous allons rester, de fait, dans le marché unique, a déploré Boris Johnson sur la BBC, estimant que cela ferait du Royaume-Uni un Etat vassal de l’UE. J’espère que le cabinet fera ce qu’il faut et rejettera l’accord.
Pour le député eurosceptique Jacob Rees-Mogg, le projet d’accord est une trahison des engagements pris par Theresa May sur le Brexit et sur le maintien d’un traitement identique entre l’Irlande du Nord et le reste du pays. Il est très difficile de comprendre les raisons pour lesquelles l’Irlande du Nord devrait être administrée depuis Dublin, a-t-il critiqué.
Un accord sur le Brexit permettrait la mise en place d’une période de transition lors du retrait du Royaume-Uni de l’UE et jusqu’en décembre 2020, pour éviter une rupture trop abrupte, redoutée par les milieux économiques.