A Moscou, un artiste enflamme les « portes de l’enfer » de l’ex-KGB

L'artiste Piotr Pavlenski devant le siège historique du KGB, la Loubianka, à Moscou, le 9 novembre 2015. NIGINA BEROEVA/REUTERS

Adepte des actions spectaculaires, Piotr Pavlenski avait ajouté à sa liste de happenings déjà bien fournie l’incendie, lundi 9 novembre, des portes de la « Loubianka », le siège historique des services de sécurité russes, le FSB, héritiers du KGB. Aussitôt interpellé, cet artiste de 31 ans, diplômé de l’Académie des arts et fondateur du journal Propagande politique aujourd’hui disparu, a été placé en détention provisoire, mardi 10 novembre, et mis en examen par un tribunal de Moscou qui l’a accusé de « vandalisme », un délit pénal, où figure une référence à la « haine idéologique », passible de trois ans de prison.

L’artiste Piotr Pavlenski devant le siège historique du KGB, la Loubianka, à Moscou, le 9 novembre 2015. NIGINA BEROEVA/REUTERS

Crânement, Piotr Pavlenski s’est adressé à la juge. « C’est bizarre d’avoir une autre approche pour la Loubianka que la “haine idéologique” », a-t-il fait valoir devant les caméras. Puis il a exigé d’être inculpé pour « terrorisme », avant de préciser à la cour que, dans le cas contraire, il garderait le silence et ignorerait « tous vos rituels » – ce qu’il a appliqué sur le champ. « Des fois, les portes brûlantes se transforment en terrorisme », avait justifié dans les couloirs l’agitateur, évoquant ainsi le cas d’Oleg Sentsov, un réalisateur ukrainien condamné pour terrorisme il y a peu à 20 ans de colonie pénitentiaire après avoir été accusé de tentative d’incendie aux portes d’un parti pro-russe en Crimée.

Lundi, Piotr Pavlenski s’était faufilé de nuit devant l’imposant édifice du FSB situé à deux pas de la place Rouge, à Moscou, pour « casser les portes de l’enfer », en y déversant un bidon d’essence. Puis, tandis que les flammes embrasaient l’entrée du FSB, il s’était planté devant une caméra, capuche noire rabattue sur son visage émacié.

Nu et ruisselant de sang

En juillet 2012, déjà, il s’était cousu les lèvres en signe de protestation contre l’incarcération des Pussy Riots, – du nom des punkettes russes qui ont chanté dans une église un couplet anti-Poutine – puis, l’année suivante, en mai 2013, il avait entrepris de s’enrouler tout nu dans des barbelés à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, afin de dénoncer la propagande homophobe et la loi réprimant les offenses aux sentiments religieux. Quelques mois plus tard, toujours dans le plus simple appareil, il s’était cloué la peau des testicules entre les pavés de la place Rouge : « Une métaphore de l’apathie, de l’indifférence et du fatalisme politique de la société russe contemporaine ».

En 2014, il avait aussi brûlé des pneus à Saint-Pétersbourg en hommage à la révolution ukrainienne, avant de se couper un lobe d’oreille et de poser, nu et ruisselant de sang, sur le toit de l’Institut de psychiatrie de Moscou : « En utilisant de nouveau la psychiatrie à des fins politiques, l’Etat policier s’approprie le droit de fixer la limite entre raison et folie. » Ses actions, filmées, photographiées, font toujours l’objet d’un message. Cette fois encore, sous le titre « Casser les portes de l’enfer », Piotr Pavlenski a justifié son geste dans une vidéo préparée à l’avance. « C’est un gant jeté par la société au visage de la menace terroriste, dit-il. Le service fédéral de sécurité agit selon une terreur continue et détient le pouvoir sur 146 millions de personnes (…) La peur transforme les gens libres en une masse gluante d’organismes disparates. »

A chaque fois, ces opérations font le tour d’Internet et des anonymes s’en sont donné à cœur joie, lundi, en diffusant les images des plaques de tôle apposées sur l’entrée noircie de la Loubianka – « le rideau de fer », s’est amusé l’un d’eux. Piotr Pavlenski, lui, n’a qu’un seul message : ôter la peur des Russes en bravant les interdits.

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