Hillary Clinton domine le premier débat démocrate

«La classe moyenne disparaît, assez parlé de vos e-mails», a lancé Bernie Sanders, attirant en retour une franche poignée de main d'Hillary Clinton. Crédits photo : John Locher/AP

Favorite des sondages, elle a justifié son rang, apparaissant à la fois calme et assurée. Son duel avec l’offensif Bernie Sanders, nouvelle vedette de la gauche démocrate, a éclipsé les autres prétendants.

«La classe moyenne disparaît, assez parlé de vos e-mails», a lancé Bernie Sanders, attirant en retour une franche poignée de main d’Hillary Clinton. Crédits photo : John Locher/AP

«Cela n’a sans doute pas été de bonne politique mais les Américains sont fatigués d’entendre parler de vos maudits e-mails!», s’écrie Bernie Sanders. «La classe moyenne disparaît, assez parlé de vos e-mails», insiste-t-il. La tirade est spontanée et habile dans la bouche du vieux sénateur du Vermont car elle est implicitement critique des «erreurs» d’Hillary. Mais elle montre aussi que Sanders – la nouvelle vedette de la gauche démocrate qui talonne la favorite Hillary Clinton dans l’Iowa et est passé devant elle dans le New Hampshire – est grand seigneur, et qu’il n’est pas intéressé par les attaques personnelles, seulement par les vrais sujets. Hillary en tout cas, qui vient d’expliquer qu’elle a fait une erreur mais qu’elle voudrait bien parler d’autre chose, semble soulagée de cette perche inattendue et se tourne, toute contente vers son voisin de droite: «Merci Bernie», lâche-t-elle en lui serrant la main.

Ce mardi soir, les deux principaux candidats ont bien tenu leur ligne, profitant chacun à sa manière du débat pour se positionner, elle dans le rôle de la femme d’expérience incontournable, et lui dans celui de l’outsider qui, seul, pourrait résoudre la grave crise politique que traverse le pays, parce qu’il pose un diagnostic plus radical et plus audacieux. «Hillary est plus compétente mais lui est plus passionné, ces deux là feraient une excellente équipe», a résumé un téléspectateur sélectionné par CNN pour participer à un focus group.

«J’adore le Danemark, mais nous sommes les États-Unis d’Amérique. Notre job est de corriger les excès du capitalisme, pas de s’y opposer»
Hillary Clinton, favorite de la primaire démocrate

Clinton, dont chacun guettait les faux pas, est apparue bien préparée, sûre d’elle et détendue, dans son double rôle de candidate de l’expérience et du changement. Sa prestation était très attendue après des mois d’une campagne peu inspirée et plombée par l’affaire des e-mails. Très incisif avec tous les candidats, dont il a exposé les faiblesses et les contradictions de manière systématique, Anderson Cooper l’a pourtant attaquée directement dans sa première question, en lui demandant si elle changeait d’avis sur tous les sujets pour des motifs d’opportunisme politique. Elle s’est vivement défendue, rappelant qu’elle avait modifié certaines de ses opinions, mais qu’elle n’avait jamais «bougé de ligne sur ses valeurs et ses engagements de fond». «Êtes-vous une progressiste ou une modérée», a insisté Cooper. «Je suis une progressiste qui aime faire le boulot», a-t-elle répliqué. Une manière de ne pas se laisser dépasser sur sa gauche, tout en conservant son image de pragmatique.

Hillary Clinton a été combative avec Bernie Sanders, l’attaquant dès le début du débat sur son bilan trop mou en matière de contrôle des armes. Elle l’a aussi aiguillonné sur son opposition au capitalisme et son credo de socialiste démocrate qu’il tentait de défendre en faisant référence au Danemark, à la Suède et la Norvège. «J’adore le Danemark, mais nous sommes les États-Unis d’Amérique. Notre job est de corriger les excès du capitalisme, pas de s’y opposer», a-t-elle dit. Un peu déstabilisé par ces piques, Sanders a peu à peu trouvé son propre rythme, revenant encore et encore sur la question des inégalités et sur la classe de milliardaires qui a «acheté le pouvoir politique», ne cachant pas son désir d’un véritable changement de fonctionnement du système à travers la réforme des financements de campagne et des excès de Wall Street.

La question des grandes banques, pour éviter que ces dernières ne remettent le pays sur le chemin d’un nouveau fiasco financier, a été le sujet sur lequel Hillary s’est retrouvée sur la défensive, plusieurs des candidats mettant en doute sa capacité à innover, vu ses liens privilégiés avec Wall Street. Hillary s’est défendue, affirmant avoir un plan détaillé.

Clinton et Sanders ont clairement dominé la scène, tandis que les trois autres candidats tentaient de se faire connaître. Le gouverneur Martin O’Malley est apparu offensif et plutôt percutant, tentant de profiter de son bilan dans son état du Maryland. Mais la question qui se pose est de savoir «pourquoi les électeurs qui soutiennent actuellement Clinton ou Sanders changeraient de pied pour aller vers lui», s’est interrogé le commentateur Anderson Cooper, sans trouver de réponse. Les deux autres candidats, Jim Webb et Lincoln Chafee, n’ont pas vraiment fait mouche. Webb, un ancien Marine a un profil intéressant mais est apparu trop taciturne pour l’exercice, manquant d’aisance dans l’expression. Chafee est apparu bizarre et décalé.
Joe Biden ne devrait pas se déclarer

Le débat a en tout cas était courtois, et centré sur les sujets de fond. Sur de nombreux dossiers, les débatteurs étaient largement d’accord, comme sur la question de la nécessité de combattre le changement climatique, un clair contraste avec le débat républicain. Sur la politique étrangère, le contraste était là encore flagrant, les partisans de la diplomatie et de l’emploi de la force «en dernier recours» dominant la scène. Plus Faucon que les autres, Hillary Clinton a toutefois remis sur la table l’idée d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie, qui permettrait aux États-Unis de disposer des moyens de pousser les Russes à venir à la table de négociations. «Je sais qu’un débat ‘chaud’sur la manière de parvenir à cela se déroule à l’intérieur de l’administration», a-t-elle dit.

Après le débat, les commentateurs se sont interrogés sur la question de savoir si le vice-président Joe Biden, qui avait fait savoir qu’il regarderait la séquence, se sentirait incité à s’engager. L’avis général était sceptique, la journaliste Gloria Borger notant notamment qu’en l’absence d’un effondrement d’Hillary, aucune voie ne paraissait évidente, vu la proximité de leurs positions. «Je ne vois rien dans ce qui s’est passé ce soir qui puisse l’inciter» à se déclarer, a noté l’ancien conseiller politique d’Obama, David Axelrod.

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