Theresa May lutte pour sa survie sur le Brexit

Capture d'écran d'une vidéo fournie par le Parlement britannique de Theresa May s'adressant aux députés, le 15 novembre 2018 | PRU/AFP / HO

Ebranlée par des démissions en série de son gouvernement, la Première ministre britannique Theresa May luttait pour sa survie jeudi, donnant aux députés le choix entre soutenir son projet d’accord de divorce avec Bruxelles ou risquer une sortie sans accord, voire pas de Brexit du tout.

Capture d’écran d’une vidéo fournie par le Parlement britannique de Theresa May s’adressant aux députés, le 15 novembre 2018 | PRU/AFP / HO

Le choix est clair: nous pouvons choisir de partir sans accord, risquer qu’il n’y ait pas de Brexit du tout ou choisir de nous unir et soutenir le meilleur accord que nous pouvions négocier, cet accord, a dit Mme May, défendant dans une ambiance survoltée le texte de près de 600 pages que quatre membres de son gouvernement ont refusé d’endosser, choisissant de claquer la porte.

Sur le gril pendant trois heures, chahutée et critiquée par des députés de tous bords, elle a défendu bec et ongles le compromis, condamné d’avance par des parlementaires europhiles comme europhobes, sans arriver à éviter une demande d’un vote de défiance par les Brexiters les plus acharnés de son parti.

L’hypothèse d’un non Brexit pourrait se concrétiser par la tenue d’un second référendum, dont l’idée a gagné du terrain ces derniers mois, et qui renverserait le résultat de la consultation de juin 2016. Mme May est fermement opposée à la tenue d’un tel référendum.

Ces démissions ont conforté les partisans d’une sortie sans accord avec l’UE dans le propre camp de Mme May, très divisé, où son leadership est de plus en plus contesté.

Le chantre du Brexit Jacob Rees-Mogg mène la révolte et a écrit une lettre pour réclamer officiellement un vote de défiance, selon un député membre du groupe qu’il préside, l’European Research Group (ERG). Le projet d’accord de divorce présenté au parlement aujourd’hui s’avère pire qu’attendu et échoue à remplir les promesses faites à la nation par la Première ministre, a-t-il écrit.

L’eurosceptique ministre du Brexit Dominic Raab, la secrétaire d’Etat du Brexit Suella Braverman, le secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord Shailesh Vara, ainsi que la ministre du Travail Esther McVey, ont démissionné jeudi avec fracas, inquiets notamment du sort particulier réservé à la province britannique d’Irlande du Nord après le Brexit.

L’appui de 48 députés, soit 15% du groupe conservateur aux Communes, est nécessaire pour organiser un tel vote.

Intérêt national

Le compromis prévoit un filet de sécurité (backstop en anglais), solution de dernier recours prévoyant le maintien de l’ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE ainsi qu’un alignement réglementaire plus poussé pour l’Irlande du Nord, si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n’était conclu à l’issue d’une période de transition de 21 mois prévue après le Brexit, le 29 mars 2019, et prolongeable une fois.

Le régime réglementaire proposé pour l’Irlande du Nord présente une menace très réelle pour l’intégrité du Royaume-Uni, a dénoncé Dominic Raab dans sa lettre de démission.

Mais Mme May a fait valoir qu’aucun accord avec Bruxelles ne serait possible sans cette assurance. L’UE ne négociera aucun partenariat futur sans elle, a-elle garanti aux députés.

L’ex-chef du parti europhobe Ukip, Nigel Farage, grand artisan du Brexit, a salué la défection de M. Raab. Bravo Dominic Raab, encore quelques autres (démissions) et nous serons débarrassés de cette hypocrite Première ministre, a-t-il tweeté.

La tâche s’annonce donc plus qu’ardue pour Theresa May, qui doit convaincre les parlementaires de voter le projet d’accord en décembre, une fois qu’il sera entériné lors d’un sommet européen le 25 novembre à Bruxelles.

Son allié, le petit parti unioniste nord-irlandais DUP, dont l’appoint est indispensable pour avoir une majorité absolue, a ouvertement exprimé son opposition au texte.

Quant au Parti travailliste, il a laissé entendre qu’il ne voterait pas le texte. Le parlement n’acceptera pas un faux choix entre ce mauvais accord et l’absence d’accord, a dit son dirigeant Jeremy Corbyn au parlement.

Le Brexiter conservateur Mark Francois a calculé qu’il était mathématiquement impossible de faire adopter le texte. Un autre Tory, Andrew Bridgen, a appelé Theresa May à démissionner dans l’intérêt national.

La cacophonie régnant au Royaume-Uni, qui a fait chuter la livre sterling, contrastait avec la satisfaction affichée du côté de Bruxelles, le Parlement européen estimant que l’accord était le meilleur possible pour l’UE.

La chancelière allemande Angela Merkel s’est dite très contente qu’un accord ait été trouvé. Le Premier ministre français Édouard Philippe a jugé que le projet était un grand pas mais relevé que des inquiétudes demeuraient sur son adoption finale, notamment en raison de l’actualité politique britannique.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a lui dit qu’il ferait tout ce qui est en (son) pouvoir pour que cet adieu soit le moins douloureux possible.

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