Accusé de viol par une Américaine de 34 ans, la super star portugaise se retrouve empêtrée dans un bourbier judiciaire et médiatique. Avec une question en filigrane, qui titille à peu près tout le monde : mais que risque donc l’attaquant de la Juventus ?
Pas de temps à perdre, il avait tout de suite crié aux « fake news » sur les réseaux sociaux. Accusé de viol par Kathryn Mayorga, une Américaine de 34 ans, Cristiano Ronaldo joue la carte de la sérénité. Le voilà pourtant embarqué dans un feuilleton judiciaire complexe. L’affaire s’annonce d’autant plus épineuse que de nouveaux éléments sont venus étoffer le dossier. Le quotidien Der Spiegel a en effet publié début octobre des extraits supposés de l’accord que Ronaldo aurait signé en 2010 avec la plaignante, afin que celle-ci ne dévoile pas leur rapport intime entretenu en 2009.
Le prix du silence
Pour mieux cerner le schmilblick, il faut d’abord revenir à l’origine du scandale. À savoir cet entretien de Kathryn Mayorga, qui décide de confier à Der Spiegel le viol dont elle aurait été victime à Las Vegas en juin 2009. Un viol dont elle accuse Cristiano Ronaldo, alors venu se détendre à Sin City peu avant son transfert pour le Real Madrid. Dix ans après, la victime présumée se dit prête à parler, inspirée par la prise de conscience sociétale initiée par le mouvement #metoo. Entre-temps, Kathryn Mayorga n’a pas toujours choisi de se taire : le 13 juin 2009, elle avait même dénoncé un viol présumé à la police de Las Vegas, et fait l’objet d’un examen médical. « Mais à l’époque, la victime n’avait pas fourni aux détectives ni le lieu de l’incident ni la description du suspect » , explique la police de Las Vegas. L’affaire semble close. Du moins, jusqu’à ce que l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, dans le cadre des révélations de Football Leaks, n’avance en avril 2017 que le joueur portugais aurait conclu un accord début 2010 avec une femme qui l’accusait de viol en juin 2009.
Ronaldo se serait alors engagé à payer 375 000 dollars contre le silence de son accusatrice et la destruction de tous les documents liés à cette affaire. Un deal que Kathryn Mayorga juge désormais inéquitable : le 27 septembre dernier, elle dépose plainte dans l’État du Nevada, son avocat assurant que cet accord est fallacieux, notamment en raison de l’état psychologique de sa cliente à l’époque et des pressions exercées à son encontre, comme l’explique Leslie Mark Stovall, le représentant légal de la plaignante : « Kathryn n’était pas compétente pour conclure l’accord en raison de la blessure psychologique qu’elle a subie à la suite de l’agression sexuelle… Et cela le rend annulable… Ils (les avocats de Ronaldo, N.D.L.R.) ont développé une stratégie qui tirait parti de son état émotionnel. »
Questionnaires amers
Fin septembre, Der Spiegel fait exploser une autre petite bombe médiatique. Selon le quotidien allemand, les lanceurs d’alerte de Football Leaks lui auraient fourni d’autres documents, parmi lesquels une liste de questions qui aurait été transmise au joueur portugais en 2009 par ses avocats, afin que celui-ci détaille sa propre version des faits. Ronaldo comme Mayorga y seraient alors identifiés sous des pseudonymes. À en croire Der Spiegel, il existe plusieurs versions du questionnaire.
Dans l’une d’elles, Ronaldo évoquerait une relation sans ambiguïté et consentie. Une autre serait plus compromettante pour le Bianconero. Toujours selon Der Spiegel, l’attaquant aurait, dans une version plus ancienne du questionnaire, confié un récit différent, avançant que la plaignante lui aurait notamment dit pendant le déroulé des faits présumés : « Non et stop, à plusieurs reprises… » . Il aurait aussi alors relaté qu’ « elle disait qu’elle ne voulait pas, mais elle s’est rendue accessible… » De quoi peut-être faire bouger les lignes, même si l’origine de ces documents reste obscure et que leur authentification ne peut encore être résolument confirmée, la question de leur crédibilité dans le cadre d’un éventuel procès restant ainsi en suspens.
Consensus financier
Alors, que risque légalement le Portugais ? Pour l’instant, Ronaldo fait face à une plainte déposée au civil, où il lui est demandé des réparations financières. « La plaignante réclame au moins 200 000 dollars… Donc ses avocats ont déjà fixé un montant. Un consensus financier entre les deux parties semble être la résolution la plus probable, juge Jean-Éric Branaa, spécialiste du droit américain et maître de conférences à l’université Paris II Assas. Après, les enchères entre les deux camps peuvent monter jusqu’à plusieurs millions de dollars. » La ligne de défense de Ronaldo devrait, elle, miser sur le fameux accord signé par la plaignante et le joueur en 2010 : « Ce sera sûrement l’angle autour duquel ses avocats vont tourner. Il y a eu un accord de confidentialité et elle revient dessus. Or, il faut savoir que le Nevada est très sévère sur la loi des contrats, précise Jean-Éric Branaa. On est dans l’État de Las Vegas, la justice là-bas fait face à nombre de cas de figures où des gens expliquent avoir signé des documents, par exemple sous l’emprise de l’alcool, même si ce n’est pas le cas ici et que les négociations ayant abouti à cet accord ont duré plusieurs mois. Globalement, les cours là-bas ont plutôt tendance à faire respecter ce type de contrats écrits. »
Scénarios judiciaires
Néanmoins, comme l’indique Michael McCann, un analyste juridique, dans les colonnes de Sports Illustrated, « la principale préoccupation juridique de Ronaldo n’est pas l’annulation éventuelle d’un règlement vieux de près de dix ans, ni le fait d’être contraint de payer à Mayorga des millions de dollars. Mais bien d’être éventuellement l’objet de poursuites pénales pour agression sexuelle, puis être extradé aux États-Unis pour y être jugé. » Pour ce spécialiste américain du droit du sport, ce scénario reste assez peu envisageable : « La probabilité que Ronaldo soit poursuivi pénalement reste faible. Un temps considérable s’est écoulé depuis 2009. Les souvenirs des témoins et les éléments de preuve disponibles sont probablement beaucoup moins convaincants qu’ils ne l’étaient dans les semaines et les mois qui ont suivi l’incident, des preuves peuvent être perdues ou endommagées…. »
Selon Warren Geller, avocat pénaliste de Las Vegas joint par 20 minutes, les propos rapportés par Der Spiegel, où Ronaldo aurait supposément décrit une relation où il n’y aurait pas eu un consentement clair de la plaignante dans une des versions du questionnaire que lui auraient transmis ses avocats, pourraient le mettre en difficulté : « Si Ronaldo avoue que son accusatrice a dit non ou arrête plusieurs fois en référence à une pénétration, cela pourrait gravement endommager sa défense. »
Reste à savoir si ces documents, dont l’origine est inconnue, seront considérés comme recevables par la justice américaine. Reste à savoir aussi si, dans la lignée du mouvement #metoo, d’autres langues décideront de se délier, alors que Leslie Stovall, l’avocat de Kathryn Mayorga, aurait confié en début de semaine au Mail on Sunday avoir « reçu un appel d’une femme qui affirme qu’elle a eu une expérience similaire » . Mais quelles que soient les évolutions de l’affaire, pas sûr que Cristiano Ronaldo parvienne à recoller les morceaux de son image publique. Ses sponsors, eux, ont manifestement senti le vent tourner. Et ont déjà commencé à prendre subtilement leur distance.