Les chercheurs ont été récompensés pour leur découverte sur la manière dont les cellules sentent et s’adaptent à la disponibilité de l’oxygène.
Le prix Nobel de médecine ou de physiologie 2019 a été attribué à William G. Kaelin, Peter J. Ratcliffe et Gregg L. Semenza, pour leur découverte sur la manière dont les cellules sentent et s’adaptent à la disponibilité de l’oxygène, a annoncé le comité Nobel ce lundi 7 octobre.
Si nous savons depuis des siècles que l’oxygène est essentiel au fonctionnement du corps humain, la manière dont notre corps s’adapte aux variations de cette molécule si nécessaire était encore mystérieuse jusqu’aux travaux des trois lauréats du prix Nobel de médecine.
Mais cette capacité qu’ont nos cellules à sentir l’apport en oxygène et à s’y adapter est un élément clé dans le traitement de nombreuses maladies, de l’anémie aux cancers en passant par la simple guérison de blessures ou l’infarctus du myocarde, a précisé le comité Nobel, qui avait reçu 633 nominations cette année.
Le prix Nobel de médecine 2018 avait été décerné à James P. Allison et Tasuku Honjo pour leurs travaux sur le traitement du cancer par immunothérapie. C’est grâce à leur découverte que l’ancien président américain Jimmy Carter, 94 ans, est encore en vie.
Les clés de l’EPO
Pour comprendre l’impact de la découverte des trois chercheurs, il faut se rappeler que l’oxygène est nécessaire pour transformer la nourriture en énergie dans le corps humain et chez tous les animaux. On sait depuis le début du XXe siècle que certaines cellules spécifiques (le corpuscule carotidien) analysent le niveau d’oxygène du sang. Cette découverte fut même récompensée d’un prix Nobel en 1938, rappelle le comité.
Mais ce que William G. Kaelin, Peter J. Ratcliffe et Gregg L. Semenza ont découvert, c’est que ce contrôle de l’oxygène avait lieu au niveau de chaque cellule du corps humain.
Pour faire (très) simple, le travail des trois chercheurs a fini par leur faire comprendre que la régulation de l’oxygène dans toutes les cellules du corps se faisait grâce à deux protéines bien spéciales, HIF-1α et ARNT, ainsi qu’à un gène nommé VHL.
Quand les cellules manquent d’oxygène, le nombre de protéines HIF-1α augmente et influence une hormone, la fameuse EPO utilisée pour le dopage dans le milieu sportif. Cette hormone permet notamment de contrôler la production des globules rouges, les cellules du sang qui transportent l’oxygène.
De futurs médicaments
Si ces découvertes sont très techniques, elles n’en sont pas moins très utiles. Elles permettent aujourd’hui à des laboratoires publics comme privés de créer des médicaments qui permettent d’activer ou bloquer la machinerie qui gère l’oxygénation des cellules.
En 2003, des chercheurs ont justement démontré l’intérêt de HIF-1 dans le cadre de traitements de maladies tel les cancers, les maladies et attaques cardiaques, dans lesquels l’hypoxie est une aspect central.
L’hypoxie, cela veut dire que nos cellules sont en manque d’oxygène. C’est dans ce genre de circonstances que les protéines HIF-1 entraînent une plus grande production d’EPO et donc de globules rouges. Des recherches cliniques sont actuellement en cours pour des traitements de l’anémie ou du cancer du rein, en modifiant justement ces protéines bien particulières.
Après le prix Nobel de médecine, suivront la physique mardi, la chimie mercredi et la littérature jeudi. Le Nobel de la paix sera décerné vendredi à Oslo. Le prix d’économie, créé en 1968 à l’occasion du centenaire de la Banque de Suède, clora la saison lundi 14 octobre.
Des prédictions erronées
C’est la tradition: avant l’annonce du prix Nobel, les prédictions se sont multipliées. Le biologiste Jason Sheltzer, qui a prédit avec justesse le prix Nobel de médecine 2018, parie lui deux femmes, la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, ayant mis au point CRISPR-Cas9, de révolutionnaires ciseaux à ADN. Elles pourraient également être récompensées par le prix Nobel de chimie.
Interrogé par Stats, l’analyste David Pendlebury, qui a réalisé plus de 50 bonnes estimations (mais pas pour les bonnes années), pariait sur Hans Clever pour sa découverte du fonctionnement de la protéine Wnt, qui contrôle la différenciation des cellules souches et nous permet de mieux comprendre le développement du cancer. Ou bien pour John Kappler et Philippa Marrack pour la découverte de la tolérance des cellules T, un mécanisme à la base de notre compréhension des maladies auto-immunes.
La radio publique suédoise SR estimait que le prix Nobel de médecine avait des chances de récompenser les recherches de l’Américaine d’origine libanaise Huda Zoghbi sur les mutations du gène Mecp2 à l’origine de maladies cérébrales, tandis que le quotidien Dagens Nyheter (DN) pariait sur les immunologistes Marc Feldmann (Australie) et Ravinder Maini (Grande-Bretagne) pour leurs travaux sur la polyarthrite rhumatoïde. Le nom de l’Américaine Mary-Claire King, qui a découvert le gène BRCA1, responsable d’une forme héréditaire de cancer du sein, est également cité.