Ce samedi, Hong Kong a suspendu son projet de loi sur les extraditions autorisées vers la Chine, pour stopper les manifestations monstres.
Ce samedi, la dirigeante de l’exécutif de Hong Kong a annoncé la suspension du projet de loi visant à autoriser les extraditions vers la Chine, en raison des manifestations massives dans le pays depuis une semaine. Analyse de ce volte-face en trois questions.
Pourquoi ce projet de loi a suscité des réactions aussi vives ?
Depuis la rétrocession de Hong Kong en 1997, le modèle en place est « Un pays, deux systèmes », à savoir que Hong Kong fait partie intégrante de la Chine et est considéré comme appartenant au pays mais garde un système propre. Or, « petit à petit, la Chine essaie de s’implanter dans ce système, il y a une convergence entre Pékin et Hong Kong », comme le précise Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche IRIS et spécialiste de l’empire du Milieu. Un rapprochement pas vraiment au goût de la population locale, qui avait déjà fait part de son mécontentement lors de la révolution des parapluies en 2014. Jean-Vincent Brisset rajoute même : « Le phénomène est encore plus grand actuellement. La révolution des parapluies n’impliquait que les jeunes et les étudiants, alors que là, cela concerne l’ensemble de la population. C’est 15% de l’ensemble de Hong Kong qui a manifesté. En France, c’est comme si les gilets jaunes représentaient 10 millions de personnes dans la rue. Tout ce qui rapproche Hong Kong de la Chine et fait perdre de la souveraineté au territoire est mal vu de la part de la population, mais c’est la première loi qu’ils l’expriment ainsi. »
Une expression rendue possible selon Antoine Bondaz, chercheur à la fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Chine, par le fait qu’au contraire d’une influence progressive Pékin dans les affaires de Hong Kong, le projet de loi était un marqueur « visible et concrêt, plus facilement susceptible de mobiliser des personnes et de déclencher un mouvement. »
Est-ce qu’on peut parler d’une victoire pour la démocratie ?
« C’est surtout une victoire pour le peuple, qui a fait la preuve de sa résilience de sa capacité à se mobiliser », selon Jean-Vincent Brisset. Ce serait d’ailleurs pour ça que la Chine aurait si vite abdiquer et le gouvernement de Hong Kong aurait suspendu le projet de loi : « Si la manifestation avait duré, le peuple aurait pu encore plus s’unir et se rendre compte de son pouvoir. Suspendre si vite le projet de loi permet de casser cette union et cette manifestation », souligne-t-il.
Pour Antoine Bondaz, le bilan est plus nuancé : « C’est certes une victoire à court terme et c’est forcément positif pour les manifestants mais de nombreux Hong Kongais risque de partir et de nombreux investisseurs vont transférer une partie de leur argent à l’étranger. »
Surtout, cette démonstration de force du peuple pourrait lui donner des idées pour la suite : « Ils ont vu que la violence pouvait marcher et faire forte impression, et il est possible qu’il y ait une radicalisation dans les prochaines manifestations en se disant que les démonstrations de violences amènent des résultats », estime le chercheur.
La Chine ne risque-t-elle pas de mal le prendre et de vouloir renforcer son influence ?
En réalité, la Chine ne peut pas faire grand-chose, analysent les deux experts. « Elle ne peut clairement pas remettre la loi à court terme après l’avoir suspendu », souligne d’abord Antoine Bondaz. Quant à intervenir, militairement ou politiquement, « l’impact serait beaucoup trop négatif aux yeux du monde, en même temps qu’il confirmerait clairement les intentions de Pékin sur Hong Kong », rappelle Jean-Vincent Brisset.
Pourtant, il s’agit d’un réel coup dur pour Pékin. « C’est une humiliation par rapport à ce qu’elle avait annoncé à sa propre population que tout se passerait sans problème et cela montre à tout le monde que Hong Kong a un statut particulier, une idée avec laquelle la Chine a toujours du mal », conclut Antoine Bondaz.