La Corée du Nord a qualifié samedi de méthodes de gangster la façon dont les Etats-Unis négocient le désarmement nucléaire, alors que le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, qui a passé deux jours à Pyongyang, a pourtant jugé ces discussions très productives.
Après ce rendez-vous en Corée du Nord, M. Pompeo est arrivé samedi soir à Tokyo pour une série de rendez-vous, afin d’expliquer aux principaux alliés de Washington en Asie les résultats de son troisième voyage à Pyongyang.
Tôt dimanche matin, le secrétaire d’Etat a rencontré le chef de la diplomatie nippone, Taro Kono, une discussion à l’issue de laquelle il a tweeté: réunion constructive avec le ministre japonais des Affaires étrangères ce matin pour parler de l’alliance américano-japonaise, pierre angulaire de la stabilité régionale, et maintenir la pression maximale sur la Corée du Nord.
M. Pompeo, qui doit encore notamment s’entretenir avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe, puis participer à une réunion trilatérale avec les ministres des Affaires étrangères japonais et sud-coréen, n’a encore rien dit des propos tenus entre-temps par la Corée du Nord.
Il venait en effet de quitter Pyongyang pour Tokyo quand le ministère nord-coréen des Affaires étrangères s’est empressé de critiquer l’attitude extrêmement regrettable des Etats-Unis pendant les discussions. Selon le régime, la partie américaine a violé l’esprit de l’accord conclu le 12 juin à Singapour entre les dirigeants américain Donald Trump et nord-coréen Kim Jong Un. Le ministère a dénoncé des demandes unilatérales et avides des Américains en vue d’une dénucléarisation.
Les Etats-Unis commettent une erreur fatale s’ils considèrent que la République populaire démocratique de Corée se doit d’accepter (…) des demandes qui reflètent leur état d’esprit de gangster, avertit le régime par la voie de l’agence officielle nord-coréenne KCNA.
Pyongyang a mis en avant le fait qu’il avait déjà détruit un site d’essais nucléaires – une concession que M. Trump avait saluée comme une victoire pour la paix – et déploré que M. Pompeo se soit montré peu disposé à en faire de même avec les concessions américaines.
Les Nord-Coréens considèrent l’ordre unilatéral de Trump de suspendre les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes comme une concession cosmétique et hautement réversible et regrettent que les négociateurs américains n’aient jamais mentionné la fin de la guerre de Corée en 1953.
En privé, les diplomates américains estiment que la réaction nord-coréenne est une tactique de négociation. Mais après deux jours d’amitié théâtrale à Pyongyang, cette attitude semble marquer un retour à la position traditionnelle du Nord.
Négociations productives
Quelques heures plus tôt, le chef de la diplomatie américaine, avant de décoller pour Tokyo, avait pourtant jugé les pourparlers très productifs.
Ce sont des questions complexes mais nous avons réalisé des progrès sur presque toutes les questions centrales, sur certaines beaucoup de progrès, sur d’autres il y a encore du travail à faire, a-t-il dit aux journalistes.
Le secrétaire d’Etat américain et Kim Yong Chol, le bras droit du numéro un nord-coréen Kim Jong Un, se sont entretenus vendredi et samedi durant plus de huit heures dans une résidence pour hôtes officiels de Pyongyang.
L’objectif était de développer une feuille de route détaillée vers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne, comme convenu lors de la rencontre historique de Singapour entre M. Trump et M. Kim.
Nous avons parlé de ce que les Nord-Coréens continuent de faire et comment nous pouvons parvenir à ce sur quoi M. Kim et le président Trump se sont mis d’accord, à savoir la dénucléarisation complète de la Corée du Nord, a déclaré M. Pompeo.
Personne ne s’est écarté (de cet objectif), cela reste leur engagement. Le président Kim est toujours convaincu, j’ai parlé avec le président Trump ce matin. (…) Nous avons des négociations productives, basées sur la bonne foi, a-t-il dit.
M. Pompeo a indiqué que des responsables des deux parties se rencontreraient dans un groupe de travail le 12 juillet pour parler du rapatriement de dépouilles de soldats américains tués pendant la guerre de Corée (1950-53).
Des responsables nord-coréens ont transmis à M. Pompeo une lettre personnelle à remettre à Donald Trump, espérant que les relations formidables et le sentiment de confiance entre les deux dirigeants seraient renforcés par les discussions, indique le ministère nord-coréen des Affaires étrangères dans son communiqué.
Pyongyang fait la distinction entre les bureaucrates américains et le président Trump, en exprimant sa confiance dans ce dernier, analyse le Pr Yang Moo-Jin, de l’université des études nord-coréennes à Séoul.
Il ne s’agit pas de rompre les pourparlers. Le Nord essaie de prendre le dessus dans les négociations à venir, explique-t-il à l’AFP.
La Corée du Nord attendait de Pompeo qu’il apporte une proposition concrète de garantie de sécurité, mais a été déçu que les Américains réitèrent leur vieille demande de dénucléariser d’abord, avant que les Etats-Unis donnent quoi que ce soit en échange, a-t-il estimé.
Depuis le sommet du 12 juin, Donald Trump s’est montré optimiste sur les chances de paix dans la péninsule divisée depuis la guerre de Corée, estimant que la menace d’une guerre nucléaire était écartée.
Le communiqué signé par MM. Kim et Trump à l’issue de leur sommet comportait peu de détails. M. Kim réaffirmait dans ce document son engagement ferme et inébranlable envers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.