Le combat pour l’égalité des droits de la communauté LGBT a franchi jeudi un cap historique avec la dépénalisation de l’homosexualité par la Cour suprême d’Inde, deuxième nation la plus peuplée au monde.
La plus haute instance judiciaire de ce pays d’Asie du Sud de 1,25 milliard d’habitants a jugé illégal un vieil article de loi condamnant les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Cette disposition était devenue une arme de harcèlement contre la communauté LGBT, a déclaré le président de la Cour suprême Dipak Misra.
Des images diffusées à la télévision indienne montraient des militants de la cause homosexuelle pleurant des larmes de joie et tombant dans les bras les uns des autres durant la lecture du jugement.
Selon le code pénal indien datant de l’ère coloniale britannique, l’homosexualité était sur le papier passible de prison à vie. Dans les faits toutefois, les poursuites judiciaires pour relation sexuelle entre personnes de même sexe étaient rarissimes.
Au centre d’une bataille judiciaire à multiples rebondissements entamée il y a près de vingt ans, l’article 377 du code pénal prohibait tout rapport charnel contre l’ordre de la nature.
Un panel de cinq juges de la Cour suprême avait entendu en juillet les arguments de plaignants homosexuels, parmi lesquels plusieurs célébrités, qui soutenaient que cet article était contraire à la Constitution indienne.
Le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi, conservateur sur les sujets sociétaux, avait choisi de ne pas se positionner sur la question et laissé la dépénalisation de l’homosexualité à l’appréciation de la justice.
Si une scène homosexuelle discrète mais vibrante existe dans les grandes villes d’Inde, comme Delhi ou Bombay, les rapports sexuels entre hommes ou entre femmes restent toujours très mal vus dans la société indienne.
De nombreux Indiens, notamment dans les zones rurales où réside 70% de la population, considèrent l’homosexualité comme une maladie mentale. Certains la mettent même sur un pied d’égalité avec la zoophilie.
Marathon judiciaire
La dépénalisation de l’homosexualité avait été prononcée une première fois en Inde en 2009 par la Haute Cour de Delhi, un jugement salué à travers le monde. Pourtant, en 2013, renversement de situation: la Cour suprême casse cette décision pour des raisons légalistes.
Deux juges de l’institution estiment à cette occasion qu’il est du ressort du législateur, et non de la justice, de faire évoluer la loi sur ce sujet.
Ce retour en arrière cause un grand émoi parmi les défenseurs de la dépénalisation, qui engagent alors de nouveaux recours judiciaires.
La dépénalisation ordonnée jeudi par cette même Cour suprême était largement escomptée par les observateurs. Sa jurisprudence ces dernières années penchait en effet en sa faveur, avec notamment la reconnaissance d’un troisième genre pour les transgenres et la sanctuarisation du droit à la vie privée.
C’est la première étape de l’histoire de beaucoup d’autres pays qui ont d’abord dépénalisé les relations homosexuelles, autorisé les unions civiles puis le mariage, estimait lors d’une récente interview à l’AFP Keshav Suri, propriétaire d’une chaîne d’hôtels de luxe figurant parmi les plaignants devant la Cour suprême.
C’est une longue bataille pour arriver à l’égalité des droits mais je suis sûr que nous y arriverons à la fin, avait-il déclaré.
L’Inde devient le 124e État du monde où les actes homosexuels ne sont pas ou plus criminalisés, selon des chiffres de l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes.