A qui profitent les fake news?

Comment définir les fausses nouvelles, alors que deux propositions de loi font leur retour à partir de mardi à l’Assemblée nationale ? Quel est leur pouvoir de nuisance? Pourquoi inquiètent-elles aujourd’hui au point de légiférer ? Voici quelques éléments de réponse.

L’hémicycle de l’Assemblée nationale | L’hémicycle de l’Assemblée nationale

Qu’est-ce qu’une fake news?

L’expression fake news a fait une entrée fracassante dans le débat public en 2016, lors de la campagne présidentielle américaine.

C’est Donald Trump qui l’a popularisée, pour discréditer les critiques à son encontre. Si la traduction littérale est fausse information, l’Académie française préconise plutôt l’usage de contre-vérité ou tromperie.

La définition de l’expression est l’un des points de discorde autour de la loi française sur la manipulation de l’information, dont le Parlement doit encore examiner 157 amendements à partir de mardi.

Une première version du texte la définissait comme toute allégation ou imputation d’un fait dépourvu d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable. Cette définition a été revue et votée ainsi: Toute allégation ou imputation d’un fait, inexacte ou trompeuse.

La ministre Françoise Nyssen a cependant jugé sa portée trop générale et espère une définition plus satisfaisante lors de son examen au Sénat.

Pourquoi ont-elles pris autant d’importance?

La fabrication de faits n’est pas quelque chose d’exceptionnel, et, depuis l’Antiquité, l’on retrouve tout au long de l’Histoire l’équivalent des textes et tweets venimeux que l’on observe aujourd’hui, relevait l’historien Robert Darnton, directeur de la bibliothèque de Harvard, dans une tribune au Monde l’an dernier.

Il raconte ainsi que pendant la Révolution française, une campagne de propagande contre Marie-Antoinette contribua certainement à la haine pathologique qui se développa à l’égard de la reine, et qui conduisit à son exécution le 16 octobre 1793.

Ce n’est pas tellement que la menace a changé, mais elle a évolué avec la technologie, explique Alexandre Alaphilippe, directeur d’EU Disinfolab, ONG spécialisée dans l’analyse des mécanismes de déformation de l’information sur les réseaux sociaux.

Là où vous aviez auparavant des rumeurs qui circulaient dans un landerneau confidentiel, avec les réseaux sociaux elles sont amplifiées, peuvent être sponsorisées et devenir massives, le débat prenant un tour national, voire international, poursuit-il.

Quel est leur impact?

La manipulation de l’information n’est pas qu’une menace. Elle est bel et bien active. C’est un poison lent qui détruit notre crédibilité. Qui abîme notre vie démocratique, a déploré début juin la ministre de la Culture Françoise Nyssen devant les députés.

Élection de Donald Trump, Brexit, référendum catalan ou plus récemment, élections italiennes, un déferlement de fausses informations ont accompagné les derniers rendez-vous politiques. Mais leur impact est difficile à mesurer et les études se contredisent.

Quand pendant les élections italiennes, des profils Facebook vous disent que des bulletins de vote ont été détruits parce que le gouvernement avait mis le logo du parti démocrate dessus, ce qui est faux, ça change la perception que vous avez de la sincérité d’un scrutin. Si vous perdez, c’est que tout a été truqué, cela peut in fine miner les fondements de nos sociétés démocratiques, analyse Alexandre Alaphilippe.

Pourquoi le concept fait-il débat?

Hoax, pastiches, pièges à clics ou propagande… la notion de fake news recouvre diverses réalités.

A force de l’utiliser à tout bout de champ, ça ne veut plus rien dire. Trump l’utilise pour qualifier tout ce qui ne correspond pas à sa vision de la vérité. On en vient à adopter ce terme par facilité intellectuelle, note Alexandre Alaphilippe, qui estime que la notion de désinformation est plus intéressante.

En outre, une partie du débat (sur les fake news) consiste à dire +moi ça va, je suis très distancié, je suis critique (…) je vérifie les sources, mais les autres? Dans ce débat sur les fake news c’est toujours les autres, a regretté le sociologue Dominique Cardon sur France Inter, soulignant que les autres étaient les classes populaires, les milieux moins intégrés dans la société.

On est non seulement en train de leur dire qu’ils sont un peu naïfs et crédules mais en plus d’inventer un dispositif qui contribue à renforcer le sentiment qu’ils ont d’être exclus d’un espace central, prévient-il.

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