Les députés brésiliens se sont prononcés à plus des deux-tiers en faveur de la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Il suffira désormais d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu’elle soit écartée du pouvoir.
Les députés brésiliens ont ouvert dimanche 17 avril la voie d’une destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff par le Sénat à une écrasante majorité, lors d’un vote historique qui s’est déroulé dans une ambiance survoltée. Le camp de la destitution l’a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises (2/3) pour autoriser le sénat à mettre en accusation Dilma Rousseff.
Seuls 137 députés, de gauche et d’extrême gauche pour l’essentiel, ont voté contre la destitution. Sept députés uniquement se sont abstenus et trois étaient absents. Les députés de l’opposition de droite ont exulté, chantant l’hymne des supporters de l’équipe de foot au Mondial-2014: Je suis brésilien, avec beaucoup de fierté et beaucoup d’amour.
Un peu plus tôt, le leader du Parti des Travailleurs (PT, gauche) au Congrès des députés José Guimaraes avait reconnu par avance cette défaite. Les putschistes ont gagné ici à la chambre mais cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue, a déclaré José Guimaraes. Nous allons maintenant dialoguer avec le Sénat pour qu’il corrige l’action des putschistes dirigés par des gens sans autorité morale, a-t-il ajouté.
Accusée de maquillage des comptes publics
Accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015 pour masquer l’ampleur de la crise économique, Dilma Rousseff nie avoir commis un crime dit de responsabilité et dénonce une tentative de coup d’Etat institutionnel. Elle avait annoncé qu’elle lutterait jusqu’à la dernière minute de la seconde mi-temps.
Mais son mandat ne tient désormais plus qu’à un fil: D’ici le 11 mai, il suffira d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu’elle soit formellement mise en accusation pour crime de responsabilité et écartée du pouvoir pendant 180 jours au maximum, en attendant un verdict final. Le vice-président Michel Temer, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.
Héritière politique de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, Dilma Rousseff est entrée dans l’histoire en 2011, en devenant la première femme présidente du Brésil. Elle risque à présent d’y rejoindre Fernando Collor de Mello, seul président brésilien à avoir été à ce jour destitué, pour corruption, en 1992.
Lourd climat d’affrontement
Empoignades, insultes: cette session extraordinaire s’est déroulée dans un lourd climat d’affrontement dès son ouverture par le président du Congrès Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente, inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras, sous les huées des élus de gauche.
Après de longues minutes de confusion où les députés ont failli en venir aux mains, le calme est ensuite à peu près revenu. Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque élu a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro.
Le privilège de monter le premier à la tribune est revenu au député centriste souffrant Washington Reis, qui a voté pour. Pendant ces longues heures de suspense, l’opposition creusait l’écart irrémédiablement sur le camp présidentiel de la gauche. Les élus conservateurs ceints d’écharpes jaune et vert parlaient de nettoyer le pays de la corruption. Ciao Dilma!, lançaient certains députés.
Le député d’extrême gauche (PSOL) Jean Wyllys s’est montré le plus éloquent: Je veux dire que j’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traître conspirateur, a-t-il lancé à l’adresse d’Eduardo Cunha et de Michel Temer. Au nom des communautés homosexuelles, du peuple noir exterminé dans les quartiers périphériques, des sans-toit, des sans-terre, je vote non à ce Coup d’État, a-t-il martelé. Avant de conclure en regardant les pro-destitution: Canailles!.
Manifestations
Plus de 200 millions de Brésiliens, divisés par des mois d’âpre dispute, étaient suspendus au dénouement crucial de la première manche de la lutte de pouvoir qui paralyse le géant émergent d’Amérique latine, au milieu d’un énorme scandale de corruption et de la pire récession économique depuis des décennies.
A Brasilia, environ 53.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26.000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l’assemblée, de part et d’autre d’une grande barrière métallique. Les partisans de la présidente, abattus, ont commencé à évacuer les lieux avant le résultat final.
Dilma Rousseff est embourbée depuis sa réélection dans une redoutable crise politique qui s’est embrasée au mois de mars, avec d’immenses manifestations pour son départ et l’entrée frustrée au gouvernement de son mentor Lula, soupçonné de corruption par la justice.
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