Rwanda: Thénoneste Bagosora, militaire brillant devenu “cerveau” du génocide de 1994

Yoopya avec AFP

Il était surnommé le “Himmler du Rwanda” ou le “colonel de l’Apocalypse”: après avoir atteint les plus hauts cercles du pouvoir grâce à une carrière militaire brillante, Théoneste Bagosora était devenu le “cerveau” du génocide au Rwanda de 1994.

AFP
Théoneste Bagosora, considéré comme l’un des planificateurs du génocide de 1994 au Rwanda, dans le box du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha, en Tanzanie, le 24 octobre 2005

Ce colonel de l’armée rwandaise est décédé samedi, à l’âge de 80 ans, au Mali où il purgeait sa peine pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Initialement condamné à la prison à vie en 2008 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha (Tanzanie), il avait vu sa peine réduite à 35 ans de prison en appel en 2011.

Celui qui occupait en 1994 le poste de directeur de cabinet au ministère rwandais de la Défense a toujours nié le rôle qu’on lui prête dans le génocide qui a fait, en une centaine de jours, 800.000 morts, selon l’ONU, principalement au sein de la minorité tutsi.

Devant ses juges, il a également nié avoir affirmé quinze ans plus tôt, en 1993, dans cette même ville d’Arusha, qu’il retournait au Rwanda “préparer l’Apocalypse”, claquant la porte des négociations entre le pouvoir rwandais et la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR).

Durant ces pourparlers en Tanzanie, il était en conflit permanent avec le ministre des Affaires étrangères Boniface Ngurinzira, à qui il reprochait de faire trop de concessions aux rebelles.

Ce dernier sera assassiné le 11 avril 1994 par des militaires, cinq jours après l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, qui avait déclenché les premiers massacres de Tutsi et de Hutu modérés.

Extrémiste du régime

Une note du renseignement français de septembre 1994, révélée en 2019, présente Bagosora comme un “extrémiste du régime” et l’un des “principaux commanditaires de l’attentat du 6 avril 1994”, avec l’ancien chef d’état-major des Forces armées rwandaises (FAR) Laurent Serubuga.

“Cette opération aurait été préméditée de longue date par les extrémistes hutus (…) L’assassinat de ministres de l’opposition modérée et de Tutsi, moins d’une demi-heure après l’explosion du Falcon présidentiel, confirmerait le haut degré de préparation de cette opération”, ajoute le document.

Bagosora et Serubuga “se sont longtemps considérés comme les héritiers légitimes du régime”, est-il écrit: “Leur mise à la retraite, prononcée en 1992 par le président Habyarimana, alors qu’ils espéraient obtenir le grade de général (…) a été à l’origine d’un lourd ressentiment”.

L’amitié liant Bagosora et Juvénal Habyarimana, orginaire comme lui de la province de Gisenyi (nord-ouest du Rwanda), remontait à plus de 20 ans.

A la tête de son unité, l’officier Bagosora avait notamment joué un rôle important dans le coup d’Etat du 5 juillet 1973 contre le président civil Grégoire Kayibanda, ayant porté Habyarimana au pouvoir.

La marraine de sa fille aînée, née en 1967, est Agathe Kanziga, puissante épouse de Juvenal Habyarimana et souvent considérée comme l’une des cheffes de file des “durs” du régime hutu. 

Séminaire puis militaire

Issu d’une famille chrétienne du village de Giciye, le jeune Bagosora avait d’abord rejoint le petit séminaire catholique avant d’embrasser la carrière militaire.

Celle-ci sera jalonnée de plusieurs faits d’armes qui, combiné à son amitié avec Habyarimana, le mèneront à des fonctions au ministère de la Défense et au sein du commandement de l’armée.

En 1994, il est directeur de cabinet au ministère de la Défense.

Après l’attentat contre Habyarimana, il sera de facto la plus haute autorité militaire dans le pays entre le 6 et le 9 avril 1994, aux premiers jours du génocide, qui verront le pays basculer dans l’horreur. Le ministre de la Défense se trouvait alors en mission à l’étranger et le chef d’état-major de l’armée venait de mourir aux côtés du président.

Les tribunaux qui l’ont condamné ont notamment retenu sa responsabilité à ce titre.

Si la chambre d’appel n’a pas conclu que le colonel avait ordonné les crimes dont il était accusé – contrairement aux juges de première instance – elle a estimé qu’il savait que ces exactions allaient être commises et qu’il n’a rien fait pour les prévenir alors qu’il en avait les moyens.

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