Une partie de Tetris pour se libérer d’une pulsion

Lloyd Russell/Marketing Entre avant et après le jeu, l'intensité de l'envie chez les volontaires baissait en moyenne de 14%.

Le fait d’être captivé par un jeu permettrait d’alléger les envies irrépressibles associées aux addictions.

Lloyd Russell/Marketing
Entre avant et après le jeu, l’intensité de l’envie chez les volontaires baissait en moyenne de 14%.

Quand on décide d’arrêter de fumer, il y a toujours une part en nous qui voudrait dire «juste une dernière». Que ce soit pour la cigarette, l’alcool, le café ou le chocolat, ces épisodes d’envies irrépressibles ou craving peuvent compliquer la vie de ceux qui veulent se sevrer. Pour les surmonter, une équipe de chercheurs anglo-australiens propose de jouer au jeu vidéo Tetris pendant au moins 3 minutes. L’expérience a montré une certaine efficacité de la méthode, montre l’étude publiée dans la revue Addictive Behaviors.

Chaque jours pendant une semaine, les chercheurs de l’université de Plymouth ont demandé à 31 étudiants, âgés de 18 à 27 ans, d’évaluer sur un total de 100 points l’intensité de leur envie. Les jeunes interrogés devaient envoyer ces informations par texto au moins 7 fois par jour. Aléatoirement, 15 d’entre eux recevaient la consigne de jouer à Tetris pendant 3 minutes avant de renouveler leur rapport.

Après avoir joué, leur envie baissait en moyenne de 14%. Pour les responsables de l’étude, Tetris pourrait même réduire de 70% à 56% la virulence d’un désir pour des usages ou des comportements potentiellement addictifs.
Substitution

«Distraire pour détourner une envie n’est pas nouveau», explique au Figaro Marc Auriacombe, professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’université de Bordeaux et médecin au centre hospitalier Charles-Perrens. Ainsi, pour soigner les addictions, on envoie généralement les patients dans des lieux de soins, installés à la campagne, pour faire du sport et des activités alternatives.

«Cette étude pourrait conduire à des thérapies consistant à remplacer une addiction par une autre moins nocive. Il vaut mieux que les jeunes soient accros aux jeux vidéo qu’à l’héroïne», analyse pour sa part Marc Valleur, psychiatre à l’hôpital Marmottan de Paris. Pour lui, le jeu Tétris agit comme un substitut d’action, il occupe le temps que l’addict pourrait consacrer à son addiction. En effet, la mise en place d’une addiction se bâtit souvent sur un manque, un vide à remplir: «C’est la raison pour laquelle de nombreux sportifs qui arrêtent la compétition se mettent à fumer ou deviennent boulimiques», souligne le médecin.
Incertitude pour les addicts

Autre point important, l’imagination joue un rôle très important dans le processus de dépendance. Pour les auteurs, on se voit fumer une cigarette ou boire un verre avant que cela soit perçu comme un besoin à assouvir. En jouant, la personne mobilise la partie de son cerveau responsable de la création de ces images sensorielles. Pour trouver une solution au puzzle, elle doit alors rediriger sa concentration et oublier un peu son envie.

Les chercheurs reconnaissent néanmoins que leurs conclusions comportent des limites: l’échantillon des volontaires est constitué de personnes n’ayant pas de dépendance avérée. Or entre une addiction et une envie passagère, la route est longue. La question est de savoir si le craving d’une personne addicte est de même nature que l’envie d’une personne normale, et donc si les conclusions établies ici peuvent faire l’objet de recommandations pour des personnes souffrant d’une vraie dépendance. «C’est un peu comme savoir si la tristesse et la dépression sont un même état à différentes intensités, ou des choses de nature différentes», résume le professeur Marc Auriacombe. L’utilisation de Tetris sur une population composée d’addicts sera étudiée prochainement par les chercheurs de l’université de Plymouth. Autre bémol: les 15 volontaires choisis aléatoirement n’ont pas décidé de jouer spontanément. La diminution de leur envie pourrait être un phénomène artificiel de l’expérience.

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