Opium : de la levure de boulanger pour fabriquer de la morphine à bas coût ?

Des paysans travaillent dans un champs de pavot, à Kandahar (Afghanistan) Allauddin Khan/AP/SIPA

MÉDICAMENT – C’est une bonne nouvelle pour le monde du médicament, mais qui risque d’attirer l’attention des narcotrafiquants. Des chercheurs américains ont découvert une technique révolutionnaire permettant de produire de la morphine à partir de la levure de boulanger.

Des paysans travaillent dans un champs de pavot, à Kandahar (Afghanistan)
Allauddin Khan/AP/SIPA

La morphine est le traitement de référence contre la douleur. Sa production s’effectue à partir du latex du Papaver somniferum (appelé en France pavot à œillette), plus communément appelé opium, qui possède des vertus sédatives et analgésiques. Aussi précieuse qu’elle soit pour la médecine, la production de cette denrée reste soumise aux aléas naturels. Des chercheurs de l’Université de Stanford en Californie (États-Unis) sont parvenus à transformer de la levure utilisée par les boulangers pour fermenter le pain (mais aussi la bière ou le vin) en un anti-douleur hyper puissant, en seulement trois jours.

Quand on sait qu’il faut près d’un an aux laboratoires pharmaceutiques (de la récolte à la production) pour transformer du pavot en analgésiques, cette découverte, parue dans la revue Science, est une très bonne nouvelle pour le monde du médicament. Toutefois, elle pourrait aussi attirer l’attention des narcotrafiquants. En réaction à cette découverte, un groupe d’experts a d’ailleurs exigé un renforcement de la réglementation sur les opiacés, dans une tribune publiée dans la revue Nature. Selon eux, il est nécessaire de renforcer la sécurité des laboratoires, ainsi que des souches de levures génétiquement modifiées, pour éviter de faciliter la tâche des trafiquants qui souhaiteraient s’en procurer.

5,5 milliards de personnes ont peu ou pas accès à ces anti-douleurs à travers le monde

Pour parvenir à transformer la levure en opium, les scientifiques ont utilisé un procédé complexe permettant de convertir les sucres (de la levure) en hydrocodone, un opioïde semi-synthétique dérivé de deux des opiacés naturels, la thébaïne et la codéine (qui n’est autre que l’anti-douleur utilisé par le Dr House). Les quantités produites sont encore minimes. Il faut 16.600 litres de levure traitée par cette technique de bio-ingénierie pour produire une seule dose d’hydrocodone, nuance Christina Smolke, professeur en bio-ingénierie à l’Université de Stanford. Mais l’expérience prouve qu’il est possible de manipuler génétiquement de la levure pour obtenir des médicaments dérivés de plantes.

Pas moins de 23 gènes différents ont été utilisés pour développer ce dérivé d’opium. Autant dire qu’il s’agit d’une manipulation complexe qui n’est loin d’être à la portée de tous. Il s’agit de la bio-synthèse chimique la plus complexe jamais créée avec des levures confirme la chercheuse Christina Smolke. La technique devrait permettre de réduire de manière significative les coûts de production pour fabriquer de la morphine, soulignent les chercheurs dans le communiqué. D’après l’Organisation mondiale de la Santé, 5,5 milliards de personnes ont peu ou pas accès à ces anti-douleurs à travers le monde, conclut l’étude.

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