Au moment où Moscou et les Européens s’activent pour sauver l’accord nucléaire iranien, Vladimir Poutine reçoit vendredi la chancelière allemande Angela Merkel dans la station balnéaire russe de Sotchi pour leur premier tête-à-tête depuis un an.
Cet entretien doit permettre aussi au maître du Kremlin, qui s’est imposé ces dernières années comme un acteur majeur au Proche-Orient de presser à la relance du processus politique en Syrie.
Avant de recevoir la chancelière allemande, puis la semaine prochaine le président français Emmanuel Macron, il a accueilli jeudi dans sa résidence Bachar al-Assad, évoquant l’après-conflit avec un président syrien renforcé par les succès militaires permis par l’intervention militaire russe: règlement politique, reconstruction et retour des réfugiés.
Sur le dossier iranien, après le sommet de Sofia pendant lequel les Européens ont affiché un front uni, la rencontre prévue dans l’après-midi entre M. Poutine et Mme Merkel sur les rives de la mer Noire s’annonce dominée par la décision de Donald Trump de claquer la porte de l’accord sur le programme nucléaire.
Ce dossier constitue un rare sujet de rapprochement entre les Européens et Moscou, dont les relations ont été rendues calamiteuses par des années de désaccords concernant le conflit syrien, l’annexion de la Crimée et la guerre dans l’Est de l’Ukraine. Ces tensions n’ont fait que s’aggraver ces derniers mois depuis l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal en Angleterre, à l’origine d’une vague historique d’expulsions de diplomates.
Dans le cadre de l’accord signé en 2015, l’Iran a accepté de brider son programme nucléaire en s’engageant à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales.
Les Européens veulent désormais éviter à tout prix que Téhéran abandonne l’accord et relance son programme visant à se doter d’une arme nucléaire. Ils souhaitent aussi protéger leurs investissements en Iran, menacés par le rétablissement de sanctions économiques par Washington.
Chacun dans l’UE partage le point de vue que l’accord n’est pas parfait, mais que nous devrions rester dans cet accord et poursuivre des négociations avec l’Iran sur d’autres sujets, comme les missiles balistiques, a plaidé jeudi Mme Merkel.
Alliée de Téhéran, notamment au côté du régime syrien de Bachar al-Assad, la Russie a multiplié ces derniers jours les contacts diplomatiques pour tenter de maintenir l’accord qualifié par Moscou de crucial pour la stabilité régionale, comme pour la stabilité du monde entier.
Lundi, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif s’est ainsi rendu en Russie, avant d’aller pour des discussions à Bruxelles dont l’Iran veut des garanties pour continuer à respecter l’accord. Et la visite de Mme Merkel intervient une semaine avant celle du président français Emmanuel Macron, attendu le 24 mai à Saint-Pétersbourg (nord-ouest).
Entre M. Poutine et Mme Merkel, il s’agit de la première rencontre bilatérale depuis un an: leur dernier tête-à-tête, également à Sotchi, remonte à mai 2017.
Ce sera un échange d’avis très intéressant, vu qu’il n’y a pas eu de contacts directs depuis très longtemps entre les deux dirigeants, qui parlent chacun la langue de l’autre et qui ont régulièrement des entretiens téléphoniques, a relevé le conseiller au Kremlin Iouri Ouchakov.
Syrie, Ukraine et énergie
Parmi les autres sujets de discussions figurent aussi la crise syrienne et le conflit entre le gouvernement pro-occidental et les rebelles prorusses dans l’est de l’Ukraine.
Berlin et Moscou sont avec Paris garants des accords de paix de Minsk signés en 2015, qui visent à mettre fin à ce conflit meurtrier ayant fait plus de 10.000 morts depuis son déclenchement en avril 2014. Mais ces accords sont au point mort et les combats restent quasi-quotidiens.
La chancelière et le président russe vont essayer, selon Moscou, d’organiser une rencontre à quatre avec le président français et le chef d’Etat ukrainien Petro Porochenko afin d’avancer sur une éventuelle mission de maintien de la paix de l’ONU. Le dernier sommet quadripartite d’octobre 2016 avait été peu concluant.
Mme Merkel et M. Poutine devraient également évoquer la construction d’un deuxième gazoduc sous-marin Nord Stream reliant les deux pays via la mer Baltique, un projet auquel s’opposent plusieurs pays de l’UE.