La chancelière allemande Angela Merkel, politiquement fragilisée, et le président français Emmanuel Macron se retrouvent mardi, en pleine crise migratoire, pour tenter d’accorder leurs violons sur la réforme d’une Europe menacée de décomposition.
L’Europe est dans un processus de décomposition, a mis en garde Bruno Le Maire, ministre français des Finances avant un conseil des ministres franco-allemand dans l’après-midi à Meseberg, au nord de Berlin.
Dans une Europe post-Brexit divisée, prise de surcroît en étau entre le protectionnisme des Etats-Unis de Donald Trump et les ambitions de la Chine, il juge indispensable de proposer un nouveau projet européen, sur l’immigration ou les questions économiques et financières, a-t-il déclaré à BFM TV.
Et alors qu’une nouvelle crise migratoire menace le continent, il appartient plus que jamais à la France, à l’Allemagne d’être moteur pour trouver des solutions concrètes, a renchérit le secrétaire d’Etat français aux Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne à RFI et France 24.
Les dirigeants des deux plus grands pays de l’Union européenne doivent tenir une conférence de presse vers 14H00 GMT, avant de s’entretenir dans la soirée avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Eviter l’échec à Bruxelles
Si les partenaires devraient s’accorder sur une feuille de route pour une réforme de la zone euro, ils seront surtout attendus sur la question brûlante de l’accueil des migrants, qui met non seulement l’Europe mais aussi la coalition gouvernementale de la chancelière à rude épreuve.
C’est seulement si l’Allemagne et la France se mettent d’accord sur les questions migratoires et le disent avec force à Meseberg, que l’on pourra éviter que le sommet de l’UE à la fin du mois soit ce que tout le monde redoute actuellement: un échec annoncé, avertit le quotidien allemand Die Welt de mardi.
L’Italie, en première ligne depuis des années face à l’afflux des demandeurs d’asile, a déclenché une nouvelle crise dans l’UE après son refus d’accueillir un bateau chargé de migrants venus d’Afrique. Ils sont finalement arrivés dimanche en Espagne après une semaine d’odyssée.
Pour Angela Merkel et Emmanuel Macron: la gestion des migrants doit être européenne, alors que d’autres, comme la Pologne et la Hongrie, refusent d’ouvrir leurs frontières.
La chancelière, qui dirige l’Allemagne depuis près de 13 ans, a désespérément besoin d’une avancée.
Son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, représentant l’aile droite de sa coalition gouvernementale, lui a donné deux semaines pour réduire encore le flux de migrants au niveau européen, faute de quoi il ordonnera début juillet de refouler immédiatement les demandeurs d’asile arrivant aux frontières allemandes en provenance d’un autre pays européen. Cela pourrait conduire à la chute de son gouvernement.
Personne n’escompte un accord des Européens fin juin sur une réforme du règlement de Dublin, qui stipule que les demandeurs d’asile seront renvoyés dans leur pays d’arrivée.
Mais Paris et Berlin pourraient s’accorder sur un renforcement massif de Frontex, l’agence qui patrouille les côtes européennes, sur la création de centres de tri de migrants en Afrique et sur l’harmonisation du droit d’asile. La chancelière veut aussi nouer des accords bilatéraux de reconduite des migrants avec l’Italie ou encore la Grèce.
Accord substantiel
La réforme de la zone euro et sa mesure phare, la création d’un budget autonome lui donnant une capacité d’investir, grande ambition du président français, devrait aussi faire l’objet d’un compromis mardi avec Berlin. Paris a dit lundi espérer un accord qui doit être substantiel.
Il s’annonce pourtant modeste face aux attentes françaises. Angela Merkel a déjà averti qu’elle accepterait un budget de seulement quelques dizaines de milliards d’euros, quand la France plaidait pour plusieurs centaines.
La chancelière est tiraillée entre son aile droite, qui redoute de voir l’Allemagne payer pour les pays trop dépensiers d’Europe du Sud, et son aile gauche, les sociaux-démocrates, qui lui demandent de ne plus faire preuve d’avarice et de soutenir les positions françaises.
Les deux pays devraient plus modestement s’accorder aussi sur une base commune pour l’impôt sur les sociétés.
Dernier sujet phare de la rencontre, le renforcement de l’Europe de la défense, alors que Donald Trump menace de moins financer l’Otan. Angela Merkel s’est dite favorable à la proposition française d’une initiative européenne d’intervention (IEI), sorte d’état-major de crise regroupant une dizaine de pays et devant conduire à une force commune.