Elections régionales : ce qu’il faut retenir après le deuxième tour

Valérie Pécresse, candidate LR, aux élections régionales en Ile-de-France, intervient devant les médias dans un café du 8ème arrondissement à Paris, dimanche 13 décembre 2015. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/ FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

L’extrême droite s’était hissée en première position dans six régions et au plan national, lors du premier tour des élections régionales, le 6 décembre. Une semaine plus tard, le Front national (FN) échoue à remporter un seul exécutif régional. La droite remporte sept des treize régions métropolitaines et la gauche cinq, les nationalistes s’imposant en Corse.

Valérie Pécresse, candidate LR, aux élections régionales en Ile-de-France, intervient devant les médias dans un café du 8ème arrondissement à Paris, dimanche 13 décembre 2015. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/ FRENCH-POLITICS POUR “LE MONDE”

La participation a atteint 58,53 %, contre 49 % au premier tour. Ce taux est aussi supérieur de 10 points à la participation lors du deuxième tour des régionales de 2010 (43,47 %), et de 6 points par rapport celui du précédent scrutin, en 2004 (51,24 %).

Le FN n’emporte aucune région, mais en forte progression

Arrivé en tête de six des treize régions au premier tour des régionales en obtenant près de 28 % des voix au niveua national, le Front national échoue à transformer l’essai. Dans les deux régions où le PS avait retiré ses listes pour « faire barrage » au FN, les candidats de droite arrivent en tête.

Dans le Nord, Marine Le Pen s’est inclinée assez nettement contre Xavier Bertrand (57,77 % contre 42,23 %).

Sa nièce Marion Maréchal-Le Pen n’avait pas la partie plus facile, en PACA, dans son duel contre Christian Estrosi, lui aussi renforcé par le retrait du PS. La députée du Vaucluse a perdu face au maire de Nice (54,78 % contre 45,22 %)

Les candidats frontistes ont aussi été battus dans les quatre autres régions où ils étaient arrivés en première position. Florian Philippot, vu comme une des meilleures chances de succès en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, est arrivé loin derrière Philippe Richert, avec 36,08 % des voix, contre 48,40 % pour le candidat du parti Les Républicains.

Pour tenter de faire bonne figure, les dirigeants de la formation d’extrême droite martèlent qu’ils se sont battus « seuls contre tous » dans cette campagne. « Ce soir, c’est le mensonge et la calomnie qui l’ont emporté. Nous avons tout le système médiatique, les grands de ce monde, les bien-pensants contre nous », critique Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

« Les désistements mutuels ont révélé les liens jusqu’ici occultes de ceux qui partagent le pouvoir pour en jouir », a lancé Marine Le Pen, qui se réjouit de la « clarification » apparente offerte par la situation.

« Le premier tour donnait l’impression d’un tripartisme, l’entre-deux-tours a montré qu’il existait un bipartisme ».

Le fait est que le FN a obtenu au moins 6,82 millions de voix, améliorant son score du premier tour (6,01 millions de suffrages) et battant son record du premier tour de la présidentielle 2012 (6,42 millions de voix). Il progresse de manière spectaculaire par rapport aux régionales, en 2010, et voit son nombre de conseillers régionaux tripler en l’espace de cinq ans : 118 hier, contre 358 aujourd’hui, selon notre décompte.

La droite a retrouvé le sourire au soir du second tour. Après la contre-performance du premier tour, le parti de Nicolas Sarkozy – allié aux centristes de l’UDI et du MoDem – l’a emporté finalement dans sept régions, alors que le PS ne s’impose que dans cinq. C’est que le résultat n’est pas à la hauteur de la vague bleue espérée. Après avoir mené son camp à la victoire aux départementales, en mars, M. Sarkozy tablait sur un gain de dix régions. Or, le FN a gâché ses plans, ce qui a cassé la posture de « meilleur rempart au FN » que l’ex-chef de l’Etat revendiquait depuis son retour en politique, à l’automne 2014.

Xavier Bertrand l’a emporté avec plus de 57 % des voix face à la présidente du FN, Marine Le Pen (42,29 %), en Nord-Pas-de-Calais-Picardie,

Christian Estrosi l’emporte avec plus de 54 % des voix sur Marion Maréchal-Le Pen (45,22 %) en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
En Ile-de-France, le duel entre Claude Bartolone (gauche) et Valérie Pécresse (droite) a finalement tourné en faveur de cette dernière. L’ancienne ministre obtient 43,8 % des voix, devant le président de l’Assemblée nationale, crédité de 42,18 % des suffrages, et le candidat du Front national, Wallerand de Saint-Just (14,02 %).
Florian Philippot, vice-président du FN, n’a pas réussi à offrir le Grand Est à l’extrême droite, malgré le maintien du candidat socialiste, Jean-Pierre Masseret, arrivé troisième. C’est Philippe Richert, président sortant LR du conseil régional d’Alsace, qui devient président de la grande région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine en obtenant plus de 48 % des suffrages.

En Pays de la Loire, Bruno Retailleau l’emporte, avec 42,70 % des voix, devant Christophe Clergeau (gauche) et Pascal Gannat (FN).
En Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez termine avec plus de 40 % des voix devant le socialiste Jean-Jack Queyranne (36,84 %) et le FN, emmené par Christophe Boudot.

Enfin en Normandie, à l’issue d’un duel extrêmement serré, l’ancien ministre de la défense Hervé Morin (UDI) bat le socialiste Nicolas Mayer-Rossignol (36,43 % des suffrages contre 36,08 %), devant le candidat du FN, Nicolas Bay.

Le PS obtient cinq régions et sauve la face

Avec cinq régions conservées, le Parti socialiste a sauvé la face au second tour des élections régionales. Mais, avec la perte de l’Ile-de-France, l’effacement en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) et la quatrième défaite en autant d’élections intermédiaires depuis 2012, la gauche sort quand même très affaiblie de ce scrutin à un an et demi de la présidentielle.

  • La défaite du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, en Ile-de-France est notamment un coup dur pour la gauche. Elle perd la région la plus puissante de France, avec près de 12 millions d’habitants.
  • Sans surprise, en Bretagne le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, l’emporte largement, avec 51,41 % des suffrages, devant Marc Le Fur (droite) et Gilles Pennelle (FN).
  • Alain Rousset arrive en tête dans la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (44,27 %) devant la candidate des Républicains, Virginie Calmels (34,06 %), et le candidat Front national, Jacques Colombier.
  • En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Carole Delga l’emporte aussi avec 44,81 % des suffrages, deux fois plus que les listes de droite conduites par Dominique Reynié (21,32 %). Louis Aliot, pour le FN, pointe en deuxième position à 33,87 %.
  • En Bourgogne-Franche-Comté, la socialiste Marie-Guite Dufay devance, avec 34,68 % des voix, François Sauvadet, tête de liste Les Républicains-UDI (32,89 %). La tête de liste du FN Sophie Montel pointe juste derrière, à 32,44 %.
  • En Centre-Val de Loire, le candidat de la gauche l’emporte d’une courte tête. Avec 35,43 %, le président socialiste sortant, François Bonneau (PS-PRG-EELV) l’emporte de peu face à Philippe Vigier (LR-UDI-MoDem), qui réunit 34,58 % des voix. Arrivé en tête au premier tour, le candidat du Front national, Philippe Loiseau, finit troisième, avec 30 % des voix.

« Ces résultats constituent un succès sans joie », a résumé le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, qui a lancé un appel au « sursaut ». Il s’est adressé au gouvernement pour lui demander une « inflexion » à gauche de la ligne politique avec un « plan contre la précarité ».

L’autre élément majeur de la soirée pour le Parti socialiste est ce recul très marqué de l’abstention. Dans les régions comme Bourgogne-Franche-Comté ou Centre-Val-de-Loire, la gauche a fait le plein dans l’entre-deux-tours pour battre sur le fil la droite et l’extrême droite. Le « front républicain » avec le retrait des listes en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA semble également avoir fonctionné. Dans ces deux régions, les électeurs de gauche se sont a priori massivement reportés sur la droite.

Les nationalistes s’imposent en Corse

Les nationalistes ont remporté une victoire historique en Corse, battant nettement la gauche sortante et la droite, victime de ses divisions. La liste « Per a Corsica » (« pour la Corse »), menée par Gilles Simeoni, obtient 35,34 % des voix dans l’unique quadrangulaire du scrutin, propulsant 24 de « leurs » candidats sur les bancs de l’hémicycle territorial. Soit deux sièges de moins que ne le réclame l’arithmétique électorale pour obtenir la majorité absolue.
En Corse, cette conquête inespérée du pouvoir territorial témoigne sans conteste du franchissement d’une nouvelle étape dans l’histoire politique locale, qui traduit un « avant » et un « après »-13 décembre 2015.

La droite domine les territoires d’outre-mer

  • La Réunion reste à droite avec la victoire du président sortant Didier Robert (les Républicains) avec 52,69% des voix contre 47,31% à la liste rassemblant la gauche et le MoDem d’Huguette Bello.
  • La liste Guyane Rassemblement conduite par le président du conseil régional sortant Rodolphe Alexandre remporte largement (54,55%) l’élection à la collectivité territoriale de Guyane (CTG), l’assemblée unique qui va fusionner région et département.
  • Victorin Lurel, le président de région sortant qui briguait un troisième mandat, a subi un revers électoral brutal en Guadeloupe, battu par 42,48 % de voix contre 57,52 % pour son rival DVG Ary Chalus.
  • Le président du conseil régional sortant (DVG) , Serge Letchimy a été sévèrement défait par Alfred Marie-Jeanne (MIM, indépendantiste) à l’élection de la nouvelle assemblée unique de la Martinique.

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