Certains mythes ont la vie dure. Il en est un qui persiste: la phobie scolaire serait due à une anxiété de séparation à la mère.
Pour le nourrisson puis le très jeune enfant, être éloigné de sa mère est parfois source de forte anxiété. Cela se traduit par des crises de larmes, par exemple lorsque l’enfant est déposé à la crèche ou à la maternelle. On parle d’anxiété de séparation.
Plus tard, en général autour de l’adolescence, un autre phénomène peut être observé: le jeune est incapable de se rendre à l’école. Le forcer à y aller conduit à des crises d’angoisse, des maux de ventre, des vomissements. On parle de phobie scolaire.
La culture populaire a adopté l’idée que la phobie scolaire à l’adolescence serait une résurgence de phénomènes d’anxiété de séparation de la petite enfance. Nous retrouvons cette affirmation aujourd’hui encore relayée par des magazines et dans les propos de médecins scolaires, psychologues et psychiatres, rapportés par les familles que nous accompagnons.
Or, les experts de l’adolescence nous apprennent que cette idée est fausse. Le Pr. Christopher Kearney, qui dirige la Child School Refusal and Anxiety Disorders Clinic du Nevada, indique ainsi que L’angoisse de séparation concerne surtout les très jeunes enfants qui font leur première rentrée scolaire. Dans la plupart des cas, elle n’est pas un facteur causal. De même, pour le Pr Marie Rose Moro, qui dirige la Maison de Solenn à Paris, Nous ne disons pas que l’anxiété de séparation est au centre des phobies scolaires.
La phobie scolaire, ou refus scolaire anxieux, résulte de situations répétées d’humiliation. Elles sont par exemple la conséquence de situations de harcèlement. Les troubles des apprentissages, tels que troubles dys, conduisent aussi à la répétition de sentiments d’échec et de mauvaises notes. D’autres différences telles que l’hyperactivité ou la précocité génèrent également une perception d’inadaptation. La répétition de ces évènements, surtout lorsque l’enfant a une grande sensibilité et un fond d’anxiété, conduit à un traumatisme, une perte de confiance en soi et souvent un stress post-traumatique qui peut durer sur le long terme. Cela conduit ainsi à un blocage anxieux qui empêche de nombreux jeunes de se rendre à l’école et d’y suivre une scolarité normale, de manière totalement incontrôlable.
Le phénomène phobie scolaire se développe de manière inquiétante. Aujourd’hui, 1% des jeunes souffrent des formes les plus invalidantes de refus anxieux: ils ne peuvent pas du tout se rendre en cours. Par ailleurs, les statistiques indiquent que 28% des jeunes sont affectés, à un moment au moins de leur scolarité et à un niveau plus ou moins grave. Il s’agit d’un phénomène absolument massif. Les enseignants et les parents en témoignent.
Selon un article récent du New York Time (Oct. 11, 2017), la recrudescence du phénomène serait liée à une augmentation importante de l’anxiété chez les jeunes. Anxiété due à l’incertitude par rapport à l’avenir, à l’individualisme et aussi, et c’est particulièrement intéressant, à l’isolement important induit par l’utilisation des smartphones, des tablettes et à la pression de l’image venant des réseaux sociaux.
Pointer du doigt la responsabilité de la mère a pour conséquence d’isoler les parents, qui apparaissent comme défaillants et se sentent responsables: la mère devrait un peu lâcher son fils, sortir de la fusion. L’attachement des adolescents à leur mère est plutôt une conséquence de leur souffrance. Comme on s’accrocherait à une bouée pour ne pas couler.