En trois décennies, les partis sankaristes n’ont jamais réussi à s’unir et ont raté une occasion historique de convaincre les électeurs après la chute de Blaise Compaoré.
« Si vous tuez un Sankara aujourd’hui, vous aurez affaire à mille Sankara demain. » Trente ans après son assassinat, le 15 octobre 1987, au Conseil de l’entente, force est de constater que l’ancien président burkinabé avait raison. Les 30 et 31 octobre 2014, ce sont bien des milliers de jeunes qui ont battu le pavé, criant haut et fort leur appartenance à la génération Sankara.
Mais si, comme le Balai citoyen le scandait à chaque marche, « notre nombre est notre force », sur le plan politique, ce n’est pas tout à fait exact. Les politiques empreints de ses idéaux – ou du moins se revendiquant « sankaristes » – sont en effet atteints d’une maladie semble-t-il incurable. Car, depuis l’instauration du multipartisme, en 1991, la dizaine de partis sankaristes qui tentent de se faire une place sur l’échiquier politique burkinabé a toujours été divisée, une nouvelle scission succédant à chaque tentative de rapprochement.
« Egoïsme et mesquinerie »
Après l’insurrection de 2014 qui a chassé le président Blaise Compaoré après vingt-sept ans de pouvoir, un boulevard s’offrait pourtant à eux. Le nombre de jeunes descendus dans les rues aurait dû être leur force électorale pour les élections présidentielle et législatives de fin 2015. Mais l’alternance leur est passée sous le nez.
« Pas un pas sans le peuple » : tel était le slogan de campagne de Me Bénéwendé Sankara (aucun lien de parenté), leader de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), le parti sankariste le plus en vogue. Une formule qui synthétise la célèbre maxime de « Thom Sank » : « Nous préférons un pas avec le peuple que mille pas sans le peuple. » Son programme d’« alternative sankariste », basé selon le candidat sur l’action menée par Thomas Sankara sous la révolution, avait déjà été testé lors de la précédente élection présidentielle. Mais en 2010 comme en 2015, l’avocat n’a pas convaincu, récoltant seulement 4,9 % puis 2,8 % des suffrages.
En mai 2015, lors de la Convention pour le renouveau sankariste, neuf partis s’étaient pourtant entendus sur la désignation de Bénéwendé Sankara comme candidat commun. Mais, à mesure qu’approchait le scrutin, les candidatures sankaristes s’étaient multipliées. En cause : un désaccord quant au positionnement des différents candidats pour les législatives. « Les sankaristes ont des tares que l’on trouve dans les partis les plus bourgeois, comme l’égoïsme et la mesquinerie », reconnaît Bénéwendé Sankara, qui, depuis, est « passé à autre chose » et a abandonné toute perspective d’union des partis sankaristes.
Depuis le double scrutin de 2015, la famille semble plus désunie que jamais. Le coup de grâce, qui a valu à l’UNIR/PS nombre de critiques, a été son ralliement à la majorité du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). « C’est leur liberté d’être choqués, pourvu qu’ils ne soient pas électrocutés, ironise l’avocat. C’est ça la politique. »