Les raccourcis et les amalgames se multiplient depuis les attentats de novembre. Notre lexique pour les éviter.
Non, tous les barbus ne sont pas des salafistes. Et tous les salafistes ne sont pas des jihadistes. Après les attentats qui ont endeuillé Paris le mois dernier, le sens des mots de l’islam radical a souvent volé en éclats. Au risque de nourrir les amalgames et de susciter des raccourcis. Petit lexique pour distinguer les différents courants.
Islamisme. « C’est la version politique de l’islam. En théorie, elle ne prône pas la violence », indique le philosophe Malek Chebel, spécialiste de cette religion*. Cette doctrine désigne le courant de l’islam qui conçoit les règles religieuses en lien avec la charia, la loi islamique, comme source unique du droit et du fonctionnement de la société. L’objectif est d’instaurer un Etat musulman régi par les religieux.
Salafisme. « Ce mouvement prône le retour à l’islam des origines », précise Malek Chebel. C’est une famille religieuse issue du sunnisme, le courant majoritaire dans le monde musulman. Les salafistes s’appliquent à calquer les façons de vivre des « salaf as-salih » : en langue arabe, les pieux ancêtres, référence directe aux compagnons du prophète Mahomet. Ils imitent, par exemple, leur habillement ou leur longue barbe. En France, ils constituent une part infime de la communauté musulmane. Leur nombre est estimé à environ 15 000 ou 20 000. Au sein du salafisme, il existe plusieurs courants. La grande majorité des salafistes sont « quiétistes ». Ils limitent leur action à la prédication et ne se reconnaissent pas dans le jihadisme, le courant ultra-minoritaire qui préconise le combat armé pour imposer une vision très stricte de l’islam.
Jihadisme. Cette doctrine prône le jihad, c’est-à-dire la guerre sainte. « A l’origine, ce mot arabe signifie le dépassement de soi, l’effort suprême dans le chemin de Dieu, explique Malek Chebel. Le sens de ce terme a été dévoyé. » Désormais, par jihadistes, on désigne ces extrémistes qui commettent des actions terroristes au nom du jihad.
Takfirisme. « Il s’agit d’un courant minoritaire et ultra-violent », explique Chebel. En arabe, takfiri veut dire excommunication et exil. Ces extrémistes considèrent que les musulmans qui ne partagent pas leurs points de vue sont des apostats, c’est-à-dire des personnes qui auraient renié l’islam. Ces fondamentalistes aspirent à vivre selon une interprétation très stricte des règles de la charia. Dans leur vision du monde, se distinguent deux espaces : la terre islamique (le califat) et les terres à conquérir. Les takfiris appellent à la lutte armée et idéalisent la mort en martyr.
Wahhabisme. C’est un mouvement politico-religieux saoudien, fondé au XVIIIe siècle par Mohammed ibn Abdelwahhab. « C’est une doctrine très puritaine et conservatrice, où les règles sont calquées sur une interprétation rigoriste du Coran », explique Chebel, pour qui le salafisme est une idéologie encore plus rigoriste que le wahhabisme, la doctrine d’Etat de l’Arabie saoudite.
* « L’Islam en 100 questions », Tallandier, 2015.