Alpha Condé reste l’homme fort de la Guinée

Alpha Condé, 77 ans, donné réélu à la présidence de la Guinée - SIPA

Alpha Condé, 77 ans, président sortant de Guinée, est donné réélu au premier tour. Les résultats provisoires sont toutefois contestés par l’opposition qui crie à la fraude et envisage recours légaux et manifestations.

Alpha Condé, 77 ans, donné réélu à la présidence de la Guinée – SIPA

Le président guinéen sortant Alpha Condé a obtenu la majorité absolue au premier tour de la présidentielle, selon des résultats provisoires contestés par l’opposition qui crie à la fraude et envisage recours légaux et manifestations.

La communauté internationale et les organisations de défense des droits de l’Homme, inquiètes du risque de violences post-électorales fréquentes en Guinée, exhortent les candidats à régler leurs litiges en justice et non dans la rue. Le chef de l’opposition en Guinée, Cellou Dalein Diallo, a en effet annoncé samedi renoncer à saisir la Cour constitutionnelle, mais appelé à manifester « le moment venu ».

Selon les derniers résultats provisoires du premier tour, proclamés vendredi par la commission électorale, Alpha Condé obtenait près de 2,2 millions de voix sur environ 92% des six millions d’inscrits, un score qui, compte tenu de la participation d’environ 66%, lui assure une majorité absolue et en tous les cas une nette avance sur Cellou Dalein Diallo, le chef de l’opposition .

Seuls restaient à annoncer les résultats de Ratoma, la commune la plus peuplée de Conakry où se trouvent les banlieues favorables à l’opposition, et du consulat de Guinée à New York.
Destin politique hors-normes

Alpha Condé devrait donc rester l’homme fort de Guinée, et il aura, quoi qu’il arrive au terme des élections en cours, connu un destin politique hors normes. De longues années d’opposition en exil, la prison, puis une accession tardive et quasi miraculeuse au pouvoir ont marqué la trajectoire politique d’Alpha Condé, 77 ans, le président sortant de Guinée, donné vendredi soir réélu au premier tour.

Svelte, boitant légèrement, volontiers vêtu d’une chemise saharienne, Alpha Condé, qui se réclame de la gauche, est un orateur de talent qui a le sens de la formule et sait enthousiasmer son auditoire.

Mais s’ils reconnaissent son charisme et son intelligence, certains de ses proches et tous ses adversaires le décrivent comme un homme autoritaire et impulsif, qui écoute peu, agit le plus souvent seul.

Né le 4 mars 1938 à Boké, en Basse-Guinée (ouest), Alpha Condé est issu de l’ethnie malinké, majoritairement installée en Haute-Guinée (est).
En France à 15 ans

Il part en France dès l’âge de 15 ans pour y poursuivre ses études et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie. Il va ensuite enseigner à la prestigieuse université parisienne de la Sorbonne.

Parallèlement, il dirige dans les années 1960 la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d’opposition au régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance » de la Guinée, ex-colonie française qui a accédé à la souveraineté en 1958.

Sékou Touré fait condamner Alpha Condé à mort par contumace en 1970.

Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré, et une trentaine d’années d’exil au cours desquelles il se lie d’amitié avec de nombreuses personnalités.

Au dictateur a succédé un caporal autoritaire, Lansana Conté, qui a dû instaurer une timide démocratisation permettant à Condé de se présenter à la présidentielle en 1993, puis en 1998.

Ces scrutins ne sont ni libres ni transparents, mais Alpha Condé est officiellement crédité de 27% et de 18% des voix.

Le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) inquiète Lansana Conté, qui le fait arrêter juste après la présidentielle de 1998, sans même attendre la proclamation des résultats. Il est condamné en 2000 à cinq ans de prison pour « atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national ».
Emule de Nelson Mandela

Une peine qu’il ne purgera que partiellement: sous la pression internationale, il est « grâcié » en 2001.

A sa sortie de prison, il se pose en émule de Nelson Mandela, ancien prisonnier devenu en 1994 le premier président noir d’Afrique du Sud. « Il faut faire comme lui, pardonner mais ne pas oublier », dit-il alors.

En 2003, il boycotte la présidentielle, comme les autres candidats des grands partis d’opposition.

Après la mort de Conté et la prise du pouvoir par une junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, fin 2008, il réclame des élections et reste dans l’opposition.

En visite à New York quand l’armée réprime dans le sang un rassemblement de l’opposition à Conakry, le 28 septembre 2008, tuant 157 civils, il est cependant l’un des premiers opposants à fustiger le « pouvoir criminel » et pointer la responsabilité du chef de la junte dans le massacre.

En 2010, il est enfin élu, au second tour, bien que très nettement distancé au premier par l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, avec 18,25% des voix contre 43,69%.

Assurant avoir « hérité d’un pays, pas d’un Etat », il se targue de son bilan depuis 2010: réalisation du barrage hydro-électrique de Kaléta, révision des contrats miniers, et surtout mise au pas de l’armée.

« Aujourd’hui l’armée est casernée et la population a confiance dans l’armée », a-t-il déclaré, ajoutant : « L’armée coûtait plus de 30% au budget, aujourd’hui c’est 9% ».

Marié trois fois, il est père d’un garçon, Mohamed Alpha Condé, visé depuis mai par une enquête préliminaire par le parquet national financier français sur le financement de son train de vie sur plainte d’une ONG.

Une « manipulation de l’opinion » destinée à l’atteindre à l’approche de l’élection présidentielle, a réagi Alpha Condé dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique.

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