Les élections présidentielle et législatives prévues au Mali début 2022 pourraient être reportées de quelques semaines ou mois, a affirmé dimanche à l’AFP le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga, en confirmant chercher des partenaires alternatifs à la France et ses décisions unilatérales.
“Est-ce que cela se tiendra le 27 février (comme prévu initialement), ou (cela pourrait être repoussé) de deux semaines, de deux mois, de quelques mois, nous le dirons” à l’issue des “Assises nationales de la Refondation qui se tiendront d’ici fin octobre”, a-t-il dit. “L’essentiel pour nous c’est moins de tenir le 27 février que de tenir des élections qui ne seront pas contestées”, a souligné le Premier ministre.
Le calendrier électoral prévoyant une présidentielle et des législatives au Mali fin février, début mars, “a été fixé à partir des exigences de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) sans se poser les questions de quelles sont les étapes pratiques qu’il faut franchir pour y arriver”, a expliqué Choguel Kokalla Maïga.
A l’issue des Assises, “nous sortirons avec un agenda plus détaillé”, a-t-il ajouté. “Il vaut mieux organiser des élections apaisées, reconnues par tous, plutôt que d’organiser des élections avec des contestations”, a insisté le Premier ministre.
“Nous avons décidé d’être pragmatiques, d’être réalistes, c’est très important d’être réalistes en politique, d’être chevillés à l’opinion publique nationale qui est aujourd’hui en faveur d’élections crédibles et apaisées”, a fait valoir le responsable civil, nommé par la junte au pouvoir en juin au terme d’un deuxième coup d’Etat militaire survenu au Mali en moins d’un an.
Interrogé sur les critiques portées à l’ONU sur la lenteur de l’application de l’Accord de paix de 2015, il a promis que l’Etat malien “continuera à le respecter”.
Mais “il n’y a pas de dividendes de la paix” et la situation “a empiré”, a-t-il noté. A l’époque “l’insécurité était à Kidal (nord). Aujourd’hui ce sont les deux tiers du pays qui sont envahis par les terroristes”. Le peuple malien se pose désormais la question: “est-ce que cette ordonnance qu’on nous a prescrite” alors qu'”au bout de six ans le corps ne guérit pas, la maladie s’est même métastasée”, “est-ce qu’il ne faut pas s’interroger”.
Faut-il “changer d’ordonnance, de médecin, apporter un autre diagnostic, voilà les questions que se pose l’opinion publique malienne, mais la position du gouvernement est de dire que nous restons dans l’Accord”, a-t-il dit.
Wagner et rumeurs
Après une diatribe samedi à l’ONU à l’égard de la France, qui, a-t-il dit, a “abandonné le Mali en plein vol” en décidant unilatéralement de retirer ses troupes de l’opération Barkhane du nord du Mali, le Premier ministre a démenti tout “discours de rupture”.
“Nous avons un accord écrit” avec la France, “on ne peut s’en désengager sans même nous aviser”, a asséné Choguel Kokalla Maïga. La France a pris sa décision “au motif que le gouvernement dialoguait avec les terroristes” alors que “c’est une demande forte du peuple malien”, s’est insurgé le Premier ministre.
Interrogé pour savoir s’il avait une ligne rouge pour ne pas parler à certains des groupes terroristes les plus radicaux, il a répondu: “Nous ne nous interdisons de parler avec personne, sauf qu’il y a des choses qui ne sont pas négociables, l’unité nationale, la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble de son territoire, l’intégrité du territoire national et la forme républicaine et laïque de l’Etat”.
“On nous dit que la France quitte un certain nombre de localités, Barkhane quitte le Mali pour se concentrer sur Takuba”, une nouvelle opération menée par des forces spéciales européennes et décidée “sans que le gouvernement malien n’en connaisse les contours”, a poursuivi le Premier ministre. “Nous ne savons pas comment elle a été constituée, qui la compose, quelle sera sa mission”, a-t-il dénoncé.
“Lorsque des zones sont abandonnées, qu’est-ce qu’il nous reste? Chercher des alternatives”, a fait valoir Choguel Kokalla Maïga, en évoquant implicitement des négociations avec des sociétés paramilitaires russes, comme confirmé samedi par le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.
Tout ce débat autour de Wagner relève pour l’instant des rumeurs”, tout comme le financement de ces groupes par des ressources minières, a-t-il affirmé. “Lorsque nous conclurons un accord”, avec un “Etat ou quelconque partenaire”, “nous n’aurons aucune honte de le rendre public”, a précisé le Premier ministre.
“Nous en sommes au stade des rumeurs et souvent même de la désinformation”, a-t-il souligné.