A Sao Paulo, la manifestation ambiguë des pro-Dilma Rousseff

Manifestations à Sao Paulo le 20 août 2015. Andre Penner / AP

A Largo da Batata, point de départ des manifestants de Sao Paulo, jeudi 20 août, dans une joyeuse ambiance embaumée par l’odeur des brochettes grillées et des beignets au poulet arrosés de « 51 », une cachaça bon marché, règne une certaine confusion. Là, se côtoient les avocats de la « démocratie » appelant Dilma Rousseff à se maintenir au pouvoir et les contempteurs de l’austérité l’accusant de trahison, sans, pour autant, réclamer son départ.

Manifestations à Sao Paulo le 20 août 2015. Andre Penner / AP

 

Lunettes fumées, casquette rouge aux couleurs du syndicat CUT (Centrale unique des travailleurs), André Ferreira, 32 ans, a choisi son camp. Celui des pro-Dilma à 100 %. S’il est venu c’est pour s’opposer à ce qu’il appelle un « coup d’Etat » menée par ceux qui réclament la destitution de la présidente. Tenant une pancarte « Nao a ditadura » (Non à la dictature) il rappelle que se mêlaient aux défilés du 16 août, lors des grandes manifestations contre Dilma, menées essentiellement par des libéraux des classes aisées, une poignée de partisans du retour des militaires.

Manifestations ambiguës

« Si Dilma s’en va nous auront un gouvernement de droite qui ne tiendra pas compte des questions sociales. Nous basculerons dans le passé ! », ajoute son ami Luis da Juta, gros gaillard de cinquante ans, ouvrier du bâtiment. Tous deux n’ont pas oublié les premières années du PT où, sous la présidence de Lula, des millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté.

Quelques mètres plus loin, Mario Constantino, échalat de 24 ans, professeur d’anglais appartenant au mouvement des jeunes anticapitalistes, en est presque écœuré. « Cela fait deux mois qu’on a prévu cette manifestation. Depuis le début le motif est de dénoncer la politique d’austérité. Les syndicats ont pris en otage l’événement ! », s’agace-t-il devant une pancarte décrivant Dilma Rousseff telle Edward aux mains d’argent affublée de ciseaux à la place des doigts. Dans ce tumulte, Maria Rodriguez, cuisinière dans un restaurant pauliste s’y perd. Un autocollant « contre l’austérité » posé sur son tee-shirt elle encense « Dilma la meilleure ».

Guilherme Boulos, l’un des principaux organisateurs des manifestations de ce jeudi, prévues dans une trentaine de villes au Brésil, avait promis que l’événement ne consisterait pas à « passer la main dans les cheveux du gouvernement », de Dilma Rousseff. Hors de question de transformer la manifestation en une riposte à celle du 16 août. « On ne peut avoir cette vision simpliste que le 16 août fut le jour des “Fora Dilma” (Dilma dehors) et que le 20 serait celui des “Viva Dilma” », expliquait le représentant du Mouvement des travailleurs sans toit (MTST). La rue en a décidé autrement.
Impopularité record

« Les manifestations de ce jeudi comme celles de dimanche sont ambiguës, contradictoires, souligne Carlos Alberto de Melo, politologue à l’institut d’enseignement supérieur, Insper de Sao Paulo. Aujourd’hui, les manifestants dénoncent la politique du gouvernement PT mais veulent que la présidente reste. Dimanche les manifestants exigeaient son départ mais approuvaient sa politique d’austérité ».

Ces contradictions reflètent les tensions que subit Dilma Rousseff. Quelque mois après son élection pour un second mandat, débordée par la crise économique, la présidente a cédé à la pression de l’opposition en s’attelant à la réduction du déficit. L’ancienne protégée de l’ancien président Lula paie aujourd’hui ce « tournant de la rigueur » par une impopularité record (seuls 8 % des Brésiliens approuveraient sa politique).

Galvanisés par la rue, certains au sein du principal parti d’opposition, le PSDB (centre droit), n’hésitent plus à réclamer son retrait. Lundi, l’ancien président, Fernando Henrique Cardoso, jugeait même que la démission de Dilma Rousseff serait un geste de « grandeur ».

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