Qui est Félicien Kabuga, l’un des concepteurs du génocide rwandais, arrêté samedi en France?

Agé de 84 ans, celui que la justice internationale soupçonne d’avoir financé le massacre de 800.000 personnes en 1994 au Rwanda, a été arrêté samedi près de Paris.

Félicien Kabuga fondateur de la radio mille collines

Au téléphone, Alain Gauthier n’en revient toujours pas. « C’est une merveilleuse nouvelle qui a fait l’effet d’une bombe. Il faut le reconnaître, nous avons été étonnés car je n’avais plus d’espoir qu’on le retrouve un jour », confie à 20 Minutes le président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR). Avec Dafroza, son épouse qui a fui son pays dans les années 1970, cet enseignant à la retraite consacre sa vie à traquer les génocidaires rwandais exilés en France. C’est pourquoi le couple se réjouit de l’arrestation par les gendarmes, samedi à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), de Félicien Kabuga. « L’un des derniers gros poissons qu’on pouvait espérer attraper », considère Alain Gauthier.

En fuite depuis 26 ans, Félicien Kabuga, 84 ans, est soupçonné d’être le financier du massacre qui coûta la vie, selon l’ONU, à 800.000 personnes, essentiellement membres de la minorité tutsi, en 1994. « C’est un type qui était extrêmement riche, qui a acheté des milliers de machettes pour armer les milices Interahamwe. Il est à l’origine de la création de la Radio Télévision Libre des Mille Collines, qui a été un vecteur de diffusion de haine entre 1992 et 1994 », nous explique le colonel Eric Emeraux, chef de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH). « C’était aussi l’un des proches du président Juvénal Habyarimana », dont la mort dans un attentat précipita le génocide des Tutsis. Deux de ses fils sont d’ailleurs mariés à des filles de Félicien Kabuga.

« Il fait partie des concepteurs du génocide »

Le vieillard, qui avait fui le Rwanda en juin 1994, était l’un des fugitifs les plus recherchés au monde. Il était visé par un mandat d’arrêt émis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) depuis 1997, et par une « notice rouge » d’Interpol depuis 2001. Les Etats-Unis avaient également promis, en 2002, une récompense de 5 millions de dollars pour tout renseignement conduisant à son arrestation.

Il faut dire que Félicien Kabuga est considéré comme étant l’un des « concepteurs du génocide », souligne le colonel Emeraux. « Un génocide ça ne tombe pas de l’armoire c’est quelque chose qui se conçoit, qui s’organise. Il y a les concepteurs, les corps intermédiaires, et les exécutants. Lui, il fait partie des concepteurs du génocide », détaille l’officier.

Avant de gagner l’Allemagne, la Belgique et ensuite la France, Félicien Kabuga s’était réfugié en Suisse en juillet 1994, puis au Kenya où il resta plusieurs années. Les gendarmes spécialisés dans la traque des criminels de guerre ont appris, il y a environ deux mois, que ses enfants se trouvaient sur le territoire. Leurs investigations vont alors s’orienter vers un appartement d’Asnières-sur-Seine qu’ils vont discrètement surveiller.

Samedi, à 6h30, une quinzaine de militaires lourdement armés ont finalement fait irruption dans l’immeuble, situé dans un quartier résidentiel de cette ville des Hauts-de-Seine, où il résidait sous une fausse identité. Nom de l’opération : « 955 », comme le numéro donné à la résolution de l’ONU qui a créé le TPIR.

« L’idéal serait qu’il soit renvoyé au Rwanda »

« Cette arrestation soulève néanmoins un certain nombre de questions auxquelles il faudra répondre, souligne Alain Gauthier. Depuis combien de temps était-il en France – un de ses voisins dit qu’il le voit depuis trois ans ? Si c’est vrai, a-t-il bénéficié de complicités autres que celles de ses enfants ? », s’interroge celui qui préside depuis novembre 2001 le CPCR, qui compte environ 200 membres.

Il espère que malgré son âge avancé – « qui n’est pas une circonstance atténuante » – Félicien Kabuga puisse rendre des comptes rapidement devant la justice. « Pour moi, l’idéal serait qu’il soit renvoyé au Rwanda, ça serait vraiment une nouvelle extraordinaire. Je n’y crois pas trop mais ça serait un bon signe envoyé aux génocidaires. »

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