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La mission “ScanPyramids” va-t-elle résoudre le mystère des pyramides ?

L’Egypte s’apprête à lancer la plus ambitieuse mission d’exploration des pyramides jamais entreprise. A la manoeuvre : la faculté des ingénieurs du Caire et l’institut français HIP.

CAIRO : the Giza Plateau ( illustration )
The Giza Pyramids : Chephren ( Khafre ) in the foreground and Cheops ( Khufu ) in the background. Cairo, EGYPT – 16/02/2005

SCANPYRAMIDS. L’annonce, par un simple communiqué de presse, reste pour l’instant discrète, mais il semble bien que l’Egypte s’apprête à ouvrir la plus ambitieuse mission d’exploration des pyramides jamais entreprise. Cette mission, baptisée ScanPyramids, devrait être officiellement lancée dimanche 25 octobre, à 11 heures, lors d’une conférence de presse donnée par le professeur Mamdouh Eldamaty, ministre des Antiquités égyptiennes, à l’hôtel Mena House, de Gizeh. Le lieu lui-même est symbolique : un hôtel mythique, où ont séjourné Winston Churchill, Charlie Chaplin ou Agatha Christie, qui offre une vue unique sur la dernière merveille du monde antique encore existante : la grande pyramide de Kheops.

Le projet, de dimension internationale, réunira des chercheurs japonais, canadiens et français. Et mettra en oeuvre des techniques dites non invasives et non destructives. Toutes informations importantes à décrypter. Car au-delà de leur intérêt archéologique, les géantes antiques sont un symbole pour le pays. Pas question d’aller y voir de trop près. Surtout pour des missions étrangères. Et interdiction formelle d’y faire le moindre accroc. Percer un trou dans les pyramides, c’est percer le cœur de l’Egypte, disait en son temps l’archéologue Zahi Hawass, qui fut jusqu’à la chute d’Hosni Moubarak en 2011, le tout puissant patron des Antiquités Egyptiennes, et dont les fouilles furent les dernières menées dans Kheops.

L’annonce du ministère est donc un signe fort : il semble qu’il y ait désormais une volonté de s’ouvrir à de nouvelles coopérations internationales et de relancer des missions archéologiques prestigieuses. A la manœuvre, les deux initiateurs de la mission sont la Faculté des ingénieurs du Caire, et l’institut français HIP (Héritage, Innovation, Préservation).
Personne ne sait comment les anciens Egyptiens ont pu construire Kheops en seulement 25 ans

Cette exceptionnelle mission permettra peut-être de répondre – enfin ! – à des questions récurrentes. Car le mystère des pyramides, qu’on se le dise, n’est pas qu’un cliché pour scénaristes en mal d’inspiration ! C’est aussi, depuis des décennies, un casse-tête pour les scientifiques. Première énigme : leur construction. Particulièrement celle de Kheops, la plus grande de toutes. Aujourd’hui encore, aucun archéologue, aucun architecte de bonne foi ne saurait dire avec certitude comment, à une époque où l’on connaissait pas la roue pour le transport, où l’on disposait seulement d’outils de pierre et de cuivre pur, ses bâtisseurs ont pu élever en vingt-cinq ans environ ce colosse aux mensurations impressionnantes : 146 mètres de haut, une superficie de 5 hectares, 2,5 millions de blocs, parmi lesquels des dalles de granit de 63 tonnes, qui ont été montées à 60 mètres de hauteur au-dessus de la chambre dite du Roi. Les différentes théories à base de machines ou de rampes avancées ces dernières décennies ont toutes leurs limites, comme le reconnaît Rainer Stadelmann. L’archéologue allemand a procédé à de nombreuses expérimentations à Dahchour, à une quinzaine de kilomètres au sud de Saqqarah, où le roi Snefrou (2575 – 2551) a élevé la pyramide Sud, dite rhomboïdale, et la pyramide Nord, dite pyramide rouge : Nous n’avons jamais réussi une démonstration absolue, dit–il (1).

Autre mystère : la structure interne des pyramides. Leurs plans, tels qu’on les connaît, révèlent d’inexplicables anomalies. Ainsi, la rhomboïdale présente deux entrées menant chacune à une chambre funéraire, dont l’une est située non sur la face nord mais sur la face ouest, fait unique dans l’Ancien Empire. Quant à Kheops, elle est la seule à posséder trois chambres étagées dans son massif de pierre : une chambre souterraine abandonnée ; une chambre dite de la Reine qui n’a jamais abrité la moindre sépulture d’épouse royale, et dont la fonction reste discutée ; une chambre dite du Roi, ouverte aux visiteurs, où se trouve un sarcophage vide. Mais aucune antichambre… Autre innovation : quatre énigmatiques conduits, dits de ventilation, la traversent. C’est d’ailleurs dans l’un d’entre eux que Zahi Hawass a conduit ses dernières missions d’exploration à l’aide de robots équipés d’une fibre optique.

Dernière demeure des pharaons de l’Ancien Empire (2575 – 2134), les pyramides se devaient d’être inviolables. Les constructeurs ont donc multiplié fausses pistes et obstacles pour protéger les dépouilles et les trésors de leurs souverains. Lors des premières fouilles scientifiques, au 19e siècle, elles ont pourtant été retrouvées vides. Pillées ? Sans doute. Reste que les diverses missions de détection, menées jusque-là, ont capté d’étranges fantômes dans ces massifs inviolables. De là à imaginer la présence de pièces secrètes…

(1) Egypte, 3000 ans d’énigmes. Hors-série de Sciences et Avenir daté janvier-février 2011.

ZOOM sur HIP

L’institut HIP, initiateur français de cette ambitieuse mission, est une structure d’intérêt général à but non lucratif, créée en 2015. Elle est dédiée à l’étude, la préservation et la transmission de l’héritage culturel à travers d’innovation technologique. Ses fondateurs travaillent depuis des années à promouvoir une meilleure collaboration entre disciplines innovantes. Hany Helal, tout d’abord, professeur à la faculté des ingénieurs du Caire, ancien ministre de la recherche et de l’éducation, qui fut l’un des pionniers de la collaboration entre ingénieurs et archéologues en Egypte. Il a notamment participé à la campagne de microgravimétrie menée par la fondation EDF dans Kheops il y a tout juste 30 ans, qui a révélé des images en sous–densité, dont une en spirale particulièrement intrigante. François Schuiten, ensuite, célèbre dessinateur de BD, qui a hérité de son père la passion de l’architecture, et notamment travaillé sur de nombreux scénographies autour de l’urbanisme. Mehdi Tayoubi, enfin. Le président de l’Institut est loin d’être un inconnu pour les amateurs d’histoire et d’archéologie. Il a dirigé, durant dix ans, à Dassault Systèmes Passion for Innovation, une structure dont l’objectif était de mettre les nouvelles technologies au service de projets culturels, notamment archéologiques : relevés photogrammétriques de l’épave de la Lune (lire Sciences et Avenir 789, novembre 2012), reconstitutions 3D de monuments parisiens disparus et, déjà, du plateau de Guizeh avec l’université d’Harvard. Mais aussi, en Egypte, mise au point du robot Djedi, avec l’université de Leeds, pour explorer les conduits de Kheops sous la direction de Zahi Hawass, et simulation d’une ingénieuse théorie de construction avancée par l’architecte français Jean-Pierre Houdin : une rampe intérieure, courant sous l’épiderme de la pyramide, qui résoudrait l’énigme de sa construction. Pour devise, l’institut HIP s’est choisi une phrase empruntée au poète Aimé Césaire : La voie la plus courte pour l’avenir est toujours celle qui passe par l’approfondissement du passé.

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