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Angela Merkel, les quotas sous la gorge

Alors que le cap du million de réfugiés a été franchi la semaine dernière, la politique d’ouverture de la chancelière est de plus en plus critiquée au sein de son propre camp, réuni en congrès lundi et mardi.

Angela Merkel
Angela Merkel et le ministre-président de Bavière, Horst Seehofer, le 3 décembre à Berlin lors d’une réunion sur la politique migratoire. Photo Hannibal Hanschke. Reuters

Le début de semaine s’annonce houleux pour Angela Merkel. La chancelière, pourtant coutumière de l’exercice – elle vient de fêter ses dix ans au pouvoir – va affronter pendant deux jours, lundi et mardi, un millier de délégués de son parti réunis en congrès à Karlsruhe, dans le Sud-Ouest du pays. Peu sensible au titre de «personnalité de l’année 2015» que vient de lui décerner le magazine américain Time, la base du parti Chrétien démocrate réclame la fin de la politique de la porte ouverte aux réfugiés syriens annoncée par Berlin début septembre.

Et la fronde va bien au-delà du parti: selon un sondage réalisé pour la chaîne de télévision N24, 53% des Allemands estiment qu’Angela Merkel doit faire un pas en direction de ses opposants et durcir le ton à l’égard des migrants. Seuls 39% sont pour la poursuite de la politique humanitaire inaugurée en septembre. Mais il en faudrait plus pour impressionner ce curieux animal politique qu’est Angela Merkel, pragmatique mais aussi obstinée et pétrie de principes protestants.

La fin de la culture de «bienvenue aux réfugiés»

La préparation de la principale motion du congrès, celle qui concerne les migrants, a donc été un véritable casse-tête. Difficile en effet d’introduire la notion de «limitation» du nombre des nouveaux arrivants sans prononcer les mots tabous de «quotas» ou de «plafond» qui pourraient désavouer et fâcher la chancelière. On s’est donc mis d’accord sur une formule alambiquée: «Beaucoup de réfugiés placent tous leurs espoirs en nous. L’Allemagne a les épaules solides et est prête à prendre une part de responsabilité. Mais aucun pays, et pas non plus l’Allemagne, ne peut remplir seul cet espoir.» La formule a l’avantage d’être compatible avec le «nous voulons ordonner, contrôler, réduire» du ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, sans désavouer le «wir schaffen das» («nous y arriverons»), le mot d’ordre que ne cesse de répéter la fille de pasteur qui dirige le pays.

L’Allemagne a déjà durci au cours des dernières semaines son droit d’asile, simplifiant la procédure d’expulsion des demandeurs d’asile sans perspective de visas, restreignant les conditions de regroupement familial même pour les Syriens et renforçant les contrôles aux frontières. En clair, c’est la fin, sans le dire, de la culture de «bienvenue aux réfugiés» initiée en septembre par la chancelière, alors que le cap du million de réfugiés a été franchi la semaine dernière, et que l’Allemagne s’inquiète de plus en plus de la façon dont elle pourra intégrer tous les nouveaux venus. L’institut IfW de Kiel estime à entre 20 et 55 milliards d’euros par an le coût de la prise en charge et de l’intégration des réfugiés. Soit 2% du PIB allemand dans la fourchette haute, ce qui est «faisable au vu de la situation économique du pays», précise l’institut.

«Cette fois elle devra se surpasser»

Le mouvement de jeunesse du parti (JU), l’aile droite de la CDU et surtout la petite sœur bavaroise la CSU sont d’un autre avis. Au sein de la CDU, 20 à 30% des militants contestent ouvertement la ligne d’Angela Merkel. Le ministre président du Land de Saxe-Anhalt à l’est du pays veut limiter à 400 000 le nombre de nouveaux venus par an. La CSU réclame la définition d’un quota de migrants. Mais Angela Merkel semble s’en moquer. D’autant qu’elle est à couteaux tirés avec Horst Seehofer, le patron de la CSU. Cet ancien ministre du deuxième cabinet Merkel avait commis l’impair de l’humilier ouvertement fin novembre à Munich. Invitée d’honneur du congrès de la CSU, Angela Merkel avait dû subir telle une écolière – assise à la tribune face aux militants hostiles – un interminable discours critiquant sa politique. Depuis les relations sont plus déplorables que jamais entre CDU et CSU.

«Angela Merkel est une piètre oratrice. Cette fois elle devra se surpasser si elle veut ramener de l’ordre au sein de son parti», estime le politologue Werner Weidenfeld, de l’université LMU de Munich. Pour le quotidien Süddeutsche Zeitung, le discours qu’elle prononcera lundi matin devant les délégués sera «l’un des plus importants de sa carrière». Pour le magazine der Spiegel, c’est «l’autorité de la chef de la CDU qui est en jeu, ainsi que sa capacité à rassembler le parti derrière elle». De fait, les électeurs allemands sont de plus en plus perplexes. Pour certains, la chancelière serait désormais plus à gauche que le patron du SPD Sigmar Gabriel. La popularité d’Angela Merkel est en chute, à 49% d’opinions positives, alors qu’elle n’exclut pas de briguer un quatrième mandat en 2017. L’hypothèse d’une alliance de la CDU avec les Verts se précise : 71% des sympathisants des Verts approuvent la politique sur les migrants d’Angela Merkel alors que le SPD (24% des intentions de vote) est incapable de profiter de l’insatisfaction des Allemands. La CDU a pour sa part encore perdu quelques points, à 38% d’intentions de vote.

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